27 juin 2008
De l'évolution du langage
18 juin 2008
Espoir
A moitié endormi, je suis bien, là, tout contre toi. Soudain ton cœur s’accélère, tu cries! Tu me fais mal, me serres pas comme ça ! Que se passe-t-il ? Où sont tes bras ? Maman ! J’ai froid, j’ai chaud… ma tête… Maman… Maman. Où suis-je ? C’est tout vert autour de moi, j’entends des cris, je discerne ta voix, ta voix si faible, je t’entends Maman, je suis là… Pourquoi tu ne viens pas me chercher ? Des bras, enfin ! Ce ne sont pas les tiens ! Maman ! Où es tu ? J’ai mal, Maman, j’ai peur… je t’entends là, tout près, Maman… on m’emmène… Maman !
Elle essaie de se lever, d’appeler. «Elle est réveillée ! Qu’est ce qu’elle dit ? Ne dites rien madame. N’essayez pas de bouger surtout, les secours arrivent » Elle tente de hausser le ton « Mon bébé… Où est mon bébé ? » on ne l’écoute pas « Calmez vous, madame » Tout à coup un cri fuse « Là dans le fossé ! Il y a un bébé ! Vite ! Il est en vie ! » L’enfant hurle, couvert de sang, sa mère le réclame, la mère est soulagée, s’il hurle, c’est qu’il vit ; une ambulance qui passait par là l’emmène.
Le chauffeur du car, hébété par le choc, la peur et l’alcool ne cesse de bredouiller « qu’ils sont arrivés comme ça et qu’il n’a rien pu faire ».
Un second véhicule médical arrive, enfin, on y charge la mère ; les secours commencent à partir, laissant là le père… pour eux condamné. La mère puise dans ses dernières forces pour protester ; finalement, ils vont le chercher et le posent nonchalamment au sol même du camion « On le déposera à l’église… ». Par acquit de conscience il lui mette de l’oxygène, pris par le temps, tout le monde se retrouve à l’hôpital.
Le temps passe, et Dieu sait comme il s’écoule lentement le temps, dans ces cas là. Elle prie, prie encore, c’est tout ce qu’elle peut faire.
Elle appelle, elle veut savoir. Enfin, un semblant d’attention. Sa fille est vivante. Son petit fils risque d’énormes séquelles, son cerveau est touché. Son gendre est condamné, pas la peine d’essayer. Pourtant, elle le veut, elle, qu’on essaye, elle ne souhaite pas à sa fille d’être comme elle, veuve avant l’heure.
Finalement, coup de chance – si l’on peut dire – elle voit une amie, une chef de service ; lui explique la situation, depuis le matin son gendre est sur sa civière. Celle-ci fait bouger les choses. On s’occupe du père, mal en point, on le bidouille, il reste dans le coma.
Alors la mère et la grand-mère vont attendre, attendre encore, prier tant qu’elles peuvent. La mère est jeune encore, 25 ans à peine, elle ne veut pas perdre son époux, son homme, le père de son fils, elle veut qu’il puisse encore lui donner des enfants… Elle l’aime…
Elle espère la mère… et surtout, elle s’en veut ! Ce n’est pas sa faute pourtant, c’est la faute à pas de chance. Elle regardait la route, avec le levé de soleil, la brume matinale elle n’a pas vu le bus, le bus si blanc… Alors elle a dit au père d’avancer, ce qu’il a fait. Et quand elle s’est rendue compte de sa méprise, il était trop tard, le bus en surcharge conduit par un chauffeur ivre, n’a pas fait le moindre écart, il arrivait si vite que tout ce que la mère a pu faire c’est serrer son bébé contre elle le plus fort qu’elle pouvait.
Une deux chevaux contre un bus… ça pardonne pas.
Après, le choc. Ils ont été éjectés, tous, son bébé lui a échappé, désespérée, elle l’a vu s’envoler. Son mari – ironie du sort – est allé frapper en plein sur les panneaux qu’il avait installés la semaine passée. Le bus s’est arrêté à moins d’un mètre de la mère, l’enfant, son enfant, a été retrouvé au creux d’un fossé – presque à sec, heureusement.
Enfin, il se réveille, cela fait dix jours qu’on le dit mort cliniquement. Plus d’espoir hein ? Elle a toujours de l’espoir, la mère. Pas de quoi la rassurer pourtant, mais elle ne lâche pas, elle le bénit de ne pas avoir donné ses organes. Il se réveille donc et il reprend vite du poil de la bête, il plaisante, plutôt vivant pour un mort. Autour de lui… un mot… un nom… il est devenu le Miraculé, ce n’est pas courant qu’un mort reprenne vie le jour de Pâques.
Elle ne regrette pas, la mère, elle ne regrette pas d’avoir espéré, d’avoir attendu, insisté pour qu’on ne le débranche pas, non, elle ne le regrette pas.
Aujourd’hui, ils vivent, ils gardent tous des traces de ce matin de mars.
Bien sur, ils sont abimés, mais ils sont heureux. L’enfant a 30 ans, il n’est pas comme les autres… Son rêve ? Être quelqu’un de normal.
Il a une petite sœur, ses parents l’ont faite rapidement après l’accident, peut être pour faire la nique au destin. La mère est devenue grand-mère, épanouie, heureuse, le cœur sur la main.
14 juin 2008
Rire (première mouture)
Je ne sais ce que je souhaite, mais je sais ce qu’Elle fera, Elle me broiera le cœur, à nouveau, sans me regarder, sans même m’ignorer d’ailleurs, vu qu’Elle ne prend pas la peine de connaitre mon existence – il faut savoir que quelque chose existe si l’on veut l’ignorer. –
La dernière fois que je L’ai vue, j’arrivais, fier, je portais encore les cicatrices que m’avaient laissés les êtres que j’avais combattu pour Elle, pour La protéger, pour que Son peuple ne se fasse pas massacrer ! J’arrivais, donc, après une marche de plusieurs jours, chargé de présents pris chez nos ennemis, pour Elle !
Et… rien… pas un regard, ni pour moi, ni même pour mes cadeaux ! Mes hommes eurent droit à une grande cérémonie, mais moi, moi, j’étais oublié… au milieu de la salle du trône… On m’esquivait sans me voir… Jamais, au grand jamais, je n’ai ressenti tel sentiment ! La rage me serrait la gorge, impossible de prononcer quoi que ce soit, paralysé par ma haine et ma honte ! « Pourquoi, mais pourquoi m’évite-t-on ? Ai-je contracté une maladie qu’on m’aurait tue ? Ai-je accompli quelque acte innommable ? Une réponse ! Je vous en conjure ! Parlez-moi ! Ne me laissez pas dans l’ignorance ! Ne m’abandonnez pas à ma honte ! » Ainsi restais-je, prostré, sans pouvoir dire mot… Mortifié.
Alors Elle a ri… ri et ri encore… Ce rire… Je l’ai ressenti au plus profond de mon être… Elle ne voulait pas de moi, ma place n’était pas ici. J’ai laissé là mes trophées et je me suis dirigé vers la Porte Interdite, une arche en fait, qui n’a de porte que le nom ; chacun connait le destin de ceux qui la traversent : Nul n’en est jamais revenu… J’y suis entré, il fait sombre… le froid me glace, je ne vois pas même mes doigts au bout de mes bras tendus, mais j’entends ; j’entends la cascade au loin, bien que son rire me perce les tympans, alors je me dirige par là, pas la peine d’essayer de faire demi tour, je ne voyais plus l’arche après l’avoir passée. J’ai croisé Le Vieux, il donnait l’air d’être enraciné comme s’il avait toujours été là, une barbe longue et sinueuse, à l’image du labyrinthe…
Je me demande ce qu’on est censé redouter ici, il n’y a rien, aucun être vivant en vue, ni à l’oreille. Pas de trace. Je ne comprends pas, je ne comprends plus rien, il faut que je trouve la sortie – les chutes – il faut que je La retrouve, que je sache pourquoi Son rire m’a glacé le cœur.
Le cœur…
La flèche…
Tout me revient…
Je ne m’en suis jamais retourné en mon pays. Quand nous avons conquis la ville ennemie, il restait un archer embusqué, mes hommes l’ont neutralisé… mais trop tard… un rien trop tard… l’éclat de métal avait transpercé mon cœur.
Elle ne m’ignorait pas… Non, Elle ne riait pas…