31 août 2010

L'apprivoiseur perdu

 Cette histoire se déroule dans le monde du jeu Hordes. La terre est dévastée, l'Armageddon a eu lieu, le sable a tout envahi. Dans un univers post apocalyptique, les morts se relèvent. Zombies. Les armes peuvent les tuer, des "lance piles", tronçonneuses, tondeuses (fonctionnant à piles) et surtout, l'eau. L'eau détruit les morts. Mais il ne pleut plus. Et les gens se regroupent, à 40, dans des bidonvilles qu'ils tentent d'améliorer pour survivre, toujours plus longtemps.

 Nous avons tourné longtemps dans la grande sableuse, Médor et moi.

Cela fait deux jours. Hier soir, on a trouvé de quoi s’abriter. Lui est reparti en ville, mais il m’a vite retrouvé. Il est bien, mon Médor. Faut dire qu’avec moi, il a tout ce qu’il faut ! Nonos charnu, viande de compagnons disparus... Et même ses petits bonbons… Il est heureux, et, la nuit, il me tient chaud.

Ce soir, je crois qu’on s’est paumés. Alors, je lui ai dit de rentrer, comme ça, je le suis, et hop, il me trace le chemin jusqu’à la ville. Sauf que… J’avais omis de me rappeler que je lui avais donné un bonbon aujourd’hui. Il s’est barré si vite que je n’ai pas pu le suivre plus de cent mètres. Le soleil a tourné, depuis.

Ma tête aussi. Elle me fait mal. J’ai réussi pour l’instant à éviter les groupes de ces monstres qui sillonnent le sable. Mais pour combien de temps ? Il fait si chaud, j’ai soif, trop soif. Tiens, un grand bâton, peut être qu’il va m’indiquer où trouver de l’eau ? Il tremble… Il tremble ! Je vais m’en sortir ! Creuser. Creuser encore ! Il y a de l’eau là-dessous !

Ou pas. Cela fait des heures que je creuse, pas une fois je n’ai perçu le sable moins sec qu’il n’est au dessus. Pas une fois. Mes mains tremblent. Tremblaient-elles tout à l’heure ? Sont-ce mes propres mains qui m’auraient trahi, m’enjoignant de creuser, creuser… Pour ne rien trouver. J’exhale un soupir immense, mes jambes me lâchent.

Je sombre. D’un sommeil sans rêve, peuplé de visions. Médor est revenu… Médor est revenu ? J’ouvre mes yeux, brusquement. Non, j’ai rêvé, les bruits que j’entends ne sont pas de ceux que fait mon fidèle compagnon. Ce sont eux. La nuit est tombée, il est trop tard, beaucoup trop tard pour tenter de rentrer en ville. Et puis, elle est où, la ville ?

Je me recroqueville là où je suis tombé. J’ai peur.

Le trou est juste à ma taille.

30 août 2010

Solitude épistolaire

Maman chérie,
Cette semaine toute seule dans cette maison qui m'a vue naitre me fait le plus grand bien. Je me suis promenée dans cette grande forêt où tu aimais tant m'emmener. La chouette vient chanter en haut de la grange, comme autrefois. Je suis bien ici. J'aimerais que Nicolas vienne me rejoindre, mais il travaille si dur… Et Nénette ne peut pas louper ses cours. C'est que c'est une grande maintenant ! CP, tu te rends compte ? Ça me fout un de ces coups de vieux cafard… Mon petit bébé est en CP…
Je t'embrasse très fort, à très bientôt.
Ta fille chérie.

Coucou les loulous !
Alors comme ça on bosse ? Regardez comme c'est beau où je suis !
ET OUI ! JE SUIS EN VACANCES ! ET JE PROFITE !
Comment va mon Nicolas ? L'avez vous vu ces derniers jours ? Et ma Nénette ?
Je pense fort à vous.
GROS Bisous !

Mon Amour.
Ce moment passé loin de toi me pèse. J'avais cru pouvoir trouver ici quelque réconfort, quelques réponses à mes questions. Je ne m'étais pas trompée.
J'ai une réponse, au moins : Tu me manques, passionnément. Je m'ennuise me languis de toi, de tes mains sur ma peau, de ta bouche contre la mienne.
Le soleil ne sait pas réchauffer mon corps qui réclame ta présence. Le chant des oiseaux sonne creux à mon oreille. Les aliments eux même n'ont plus la même saveur. Pour peu qu'ils en aient une.
Je t'aime.
Tienne, Aricia.

Ma petite puce chérie d'Amour que j'aime.
Maman avait besoin d'un petit peu de repos, c'est pour ça qu'elle est dans la maison de Grand-maman.
Occupe-toi bien de ton papa, il est très fatigué.
Sois bien sage ma chérie d'à moi que j'aime et que j'adore.
Maman te fait d'énormes bisous, ma Nénette, et va revenir bientôt.
Ta Maman qui t'aime tout plein beaucoup beaucoup et plus que ça encore.

Monsieur Rémy,
Je ne vous remercierai jamais assez de m'avoir accordé ce congé exceptionnel. Je passe mes journées à me promener dans une forêt magnifique, c'est d'ailleurs une carte la représentant.
Promis, je vous reviens en forme pour travailler !
Douces pensées pour mes collègues restés au bureau.
Cordialement,
Aricia Mollet.

Ma Belle.
Je ne te raconte pas… J'ai pris la poudre d'escampette à peine arrivée dans la ruine qui sert de maison de campagne à la famille. Le seul truc chiant c'est que j'ai dû revenir pour poster mes cartes et vérifier que je n'avais pas de courrier. Quel bonheur d'être officiellement dans un lieu où il n'y a pas le téléphone et où nos cellulaires ne captent pas !
Et… sans la môme ! Pas de mec, pas de môme…
Depuis quatre jours je traine de bars en boites et pas une nuit ne m'a vue rentrer seule ! J'ai expérimenté de ces choses… Nan, je ne peux te les raconter ainsi. Enfin, si, je t'en parle.
Ou pas !
Rejoins-moi ! Trouve une excuse pour ton boulot, je te promets des souvenirs qui rendront enfin ta vie intéressante !
Baisers tout partout, surtout où tu sais.
Aricia.

Motus et bouche cousue







Un match, encore un. Et encore une fois, se taire. Tous les quatre ans c'est la même rengaine. Il se lasse. Il fatigue de cette envie à la con de regarder d'autres mecs que lui, courir après un ballon. Il est jaloux. Ont-ils de plus belles fesses que les siennes ? Sont ils plus musclés, plus beaux ? Ou est ce parce qu'il se dégarnit ? Foutaises, Zidane avait moins de cheveux que lui et pourtant, il lui volait déjà la vedette.

Mais c'est vrai quoi à la fin ! Il en a marre de devoir se taire tandis que sa moitié, d'un œil lumineux, s'abreuve de la vision de ces hommes suants et débiles. Courir après un ballon, a-t-on idée ? Et puis ces… Vuvuzelas lui sortent par les oreilles ! Enfin, surtout, pénètrent ses esgourdes ! Et le son à fond, et vas-y que je te bois de la bière, que je te bouffe des chips. Pas un regard pour lui, rien ! Au moins a-t-il échappé à la horde d'amis en tous genres qui voulaient profiter de leur grand écran plat.

Dans la baie vitrée, il contemple le reflet de sa moitié. Pourquoi a-t-il fallu qu'il tombe sur quelqu'un qui avait les besoins primaires du mâle moyen ? En plus, ce soir, c'était les Experts, normalement ! Mais avec leur foutu match, ils ont annulé ! Rageur, il tranche les légumes un peu plus fort qu'il ne faudrait pour ne pas perturber la douce musique des trompettes africaines, s'attirant un Moins de bruit s'teuplait ! Pis, c'est un match important, tu te rends pas compte…

Oui, oui, il comprend, il se rend compte, il fait silence, comme à chaque fois. Il chope un bouquin de cuisine, tente de s'absorber dans la recette. Tête… Tête, ballon (encore !) de vinaigre, livre de beurre, persil, tête de veau. Un brouillard de mots. Un brouillard intangible qui se dresse en son esprit. Les trompettes résonnent à ses oreilles. Il ne veut rien qu'un peu de silence, il s'avance vers l'écran et attrape la télécommande. Sans même entendre les protestations de sa demi de couple - il est devant la télévision à un moment stratégique - il éteint.

Les Experts. Il voulait regarder les Experts ! Merde à la fin ! Il ouvre les yeux, un peu, puis plus grand, contemplant sa moitié qu'il pourrait désormais qualifier de quart, voire de huitième, une pomme dans la bouche. Il a un torchon sale à la main, poisseux, collant. Et rouge, si rouge ! Et le silence, ce silence qu'il savoure sans même se rendre compte encore que la tête de sa moitié, pomme dans la bouche, persil dans les oreilles, repose sur un plat. Au milieu de la table.

Son père disait toujours que les footeux, c'étaient des bœufs. De bœuf à veau, il n'y a qu'un pas.

24 août 2010

Trois

Promenons nous, dans les bois…

Tu avances en chantant, sautillant de dalle en dalle. Tu ris, gamin, tu t’amuses bien. Faut pas avoir peur petit, je ne suis pas là à te regarder, non… Moi, je t’ai vu ouvrir la porte, faire un bisou à maman. Elle est jolie, maman, très jolie. Puis elle a laissé la porte ouverte, pour que tu puisses entrer. Elle est gentille maman, tu ne trouves pas ?

Pendant que le loup n’y est pas…

Oh, non, n’aies pas peur gamin, il n’est pas dans les bois, le loup. Juste dans la bergerie. La porte s’est refermée, tout doucement. A peine un son. Tu t’es retourné, sans doute, pour voir s’il y avait du monde derrière toi. Personne, heureusement. Sinon tu t’en serais retourné jusqu’à la porte, en courant, sans chanter. Tu n’aimes pas les gens, bonhomme ?

Si le loup y était…

Oh ! Maman a vu le loup… Faut pas crier, madame, faut pas. Chuuut. Voilà, tu vois, c’est bien mieux quand t’es sage. Par contre, ce n’est pas bien madame Maman, t’as tout sali par terre avec du rouge. Ce n’est pas bien du tout. Pis tu t’es pas nettoyé le nez. T’es toute sale. Et il est où Papa ? Hmmm ? Il est parti ? Pourtant, je l’ai dit, t’es jolie Maman, enfin, quand tu ne cries pas.

Il nous mangerait !

Ça, ce n’est pas bien. Il ne faut pas mentir. Ce n’est pas parce que j’ai un grand couteau que je vais la manger, Maman. De plus, c’est toi que j’aime bien. Mince… Je crois que maman elle boude. Elle veut plus jouer. Elle bouge plus. Zut de zut… Je vais installer Maman dans son beau fauteuil. Tu arrives à la fin de la chanson. « Comme le loup n’y est pas… Il n’nous mangera pas… »

Un…

Là, tu prends peur, t’aimes bien le petit frisson, la petite peur de voir arriver le loup. Et s’il te mangeait ? S’il arrivait dans ce grand couloir ? Alors tu te rapproches de la porte, à petit sauts, le pas un peu plus rapide qu’avant. Moi aussi, je m’en approche, de l’autre côté. Je te souris à travers le bois, tu ne me vois pas, pas encore. Avant que tu n’arrives, je t’observe par le vasistas. Je tourne la poignée, tout doucement.

Deux…

La porte reprend sa place, entrouverte. Tu n’as rien remarqué. Tu jettes un coup d’œil derrière toi. Une odeur que tu ne connais pas te prend à la gorge lorsque tu arrives. On appelle ça une odeur cuivrée. Ce n’est rien, gamin. Tu ouvres la porte et tu me vois. J’incline la tête sur mon épaule. Je te souris, en face. Fais pas cette tête là, petit. Dans un murmure, je me penche vers toi et susurre à ton oreille…

Trois.

Hé, c’est une blague gamin ! Reviens ! Tu n’vas pas rester tout seul dans c’bois ! Gamin !