25 décembre 2008

Rien qu'une paire



Chaque fois que je les vois virevolter devant moi, ça me fait le même effet. Minces ou rebondies – celles qui se montrent sont rarement maigres – leur parfum parvient à mes narines, mes yeux détaillent le grain de leur peau, fin, si fin. J’en salive. Il parait que ça ne se fait pas d’y toucher, que l’on n’a pas le droit. J’aimerais bien moi, y poser les doigts, délicatement, en avoir une paire, rien qu’une paire pour moi. Je m’en contenterai, pas la peine d’en avoir une douzaine. Y poser mes doigts et les laisser glisser tout du long, doucement. En apprécier la courbe, le galbe. En approcher mon nez, et en humer le parfum délicat, léger, si léger. Ha ! Respirer si près de ces cuisses rondes, les faire frémir de par mon souffle, ces cuisses où je rêve d’enfoncer mes dents, légèrement, pour en apprécier la fermeté.

J’en tremble ! Elles sont si près de moi. Il me suffirait d’avancer la main, si peu, d’oser y poser le doigt, juste un doigt, une aérienne caresse volée… Mon Dieu ! Si je fais ça, je sais que je ne pourrai m’empêcher de les saisir à pleine main, à pleine bouche même, d’en exprimer la saveur, d’en savourer le goût ; il faudra que je laisse ma langue y courir, avidement, gourmande, que mes papilles s’en délectent, encore et encore.

Mais je n’en ai pas le droit ! Elles sont si petites ces cuisses, si frêles, mes mains maladroites, mon immense bouche ne leur rendraient pas bien mon amour. Je pourrais les briser, les abîmer ; et puis, une paire me suffirait-elle vraiment ou deviendrais-je insatiable ? M’en faudra-t-il toujours plus si je me laisse aller, si las de résister je m’abandonne à ce désir ? Je devrais plutôt me contenir, les laisser dans leur robe persillée, dorées à souhait, cette couleur ambrée qui leur va si bien ! Je ne craquerai pas, je garderai ma main rangée bien sagement, je ne vais pas l’approcher de ces demoiselles rangées en corolles, dans une pose suggestive, cuisses écartées.

Non, ma main, ne te lève pas, n’avance pas plus loin, il ne...

Hé dis, Albert, tu les encadres ou tu les envoies les grenouilles pour la douze ?

21 décembre 2008

Un, deux et trois

Un, c’est toi, toi qui fis des conneries, qui fus enfermé pour ne pas avoir voulu jouer la balance. Une longue absence. Mais vous étiez déjà séparés.

Deux, ce fut un amour, passionnel, qu’elle vécut à fond. Mais Deux, il savait, lui, il savait que malgré cette passion débordante, au fond d’elle, elle aimait Un. Chaque semaine, elle allait au parloir, chaque semaine elle revenait en larmes. Alors il avait compris ce qu’elle ne pouvait (voulait ?) voir. Comme ils n’étaient pas d’accord sur tout malgré leur passion, il est parti. Non sans lui avoir dit au revoir. Amoureusement, langoureusement, et sans les précautions d’usage. No comment.

Deux parti, elle s’est retrouvée seule, mélancolique, malheureuse, très. Trois est arrivé. Trois a été un ami, sensible, sans gestes déplacés. Aucun. Au bout d’une semaine de gentillesses et d’attention, un soir, le soir de la mort de Brassens, ils ont mêlé leurs pieds. Rien qu’une fois.

Un, tu es revenu, tu as repris tes marques, enfin… chacun chez soi, mais ensemble tout de même. Quelques semaines plus tard. Verdict. Enceinte. Pas de toi, mais tu te plais à le croire. La môme est née. Accouchement à la maison, t’as joué le docteur, bien, pis t’es parti te remettre de tes émotions, en boite.

Là on se dit, mais Deux et Trois ?

Deux, c’est un ami. Et il reste correct, ne se mêle pas de votre trio. Mais Trois, Trois il aimerait bien, qu’on lui dise qu’elle est de lui. Il aimerait ça lui, un enfant, et la mère avec ! Mais Deux et leurs amis lui disent de ne pas insister. Alors il se fait tout petit, dans l’ombre. Toi, Un, tu le dénigres, faudrait pas que la gamine sache. Tu veux son amour pour toi tout seul, jalousement, d’ailleurs, s’il n’y avait que toi elle ne saurait pas pour Deux et Trois.

Un soir, la môme, sachant sans vraiment savoir, elle a demandé à sa mère, dis, Un, c’est mon père ? Et la mère, un peu, beaucoup, hyper gênée dut lui répondre que ce n’était pas le cas. La gamine adorait Deux, d’ailleurs le père de sa meilleure amie (sa sœur ?), par contre, elle connaissait Trois, rien qu’un peu. Le lendemain de cette interrogation, tu es allée la reconnaitre. Ce n’était pas fait encore et elle allait avoir huit ans. Elle s’est découvert des grands parents, une paire.

Adolescente, elle s’est rapprochée de Deux. Tu t’es fâché avec lui. Elle l’a moins revu, pourtant, elle aurait aimé que ce soit lui. Il n’y a pas si longtemps. Elle a ouvert les yeux. Les ressemblances, les cheveux, les yeux. Tout le monde s’accorde à le dire. C’est Trois son père. Toi-même tu l’as dit. Oh, pas à la môme, mais à la mère.

Elle a vu Trois, tu le sais sans doute. Il n’a pas su garder ça pour lui. Des gens lui en parlent à la gamine qui n’en est plus une. Ça s’est bien passé cette rencontre. 


Alors, moi, moi qui suis la môme, moi qui ai eu trois pères. Je voulais te dire, que malgré tes maladresses, ton manque de psychologie, parfois, souvent. Je t’aime, Papa. Et s’il ne doit y en avoir qu’un, ce sera toi, parce que malgré le sang qui ne nous unit pas, tu ne m’as jamais regardée comme la fille de l’autre, mais la tienne.

15 décembre 2008

V(i)ol

Ne me dis pas qu’ils l’ont fait ! Comment ont-ils pu oser ? Ils savaient dans quel état ça me mettrait, que je ne saurais plus me contrôler que je n’aurai qu’une envie, celle de leur sauter dessus et de les exterminer un par un.

Je sais bien, oui je sais bien qu’on s’était dit qu’on partageait tout ! Mais putain ! Bordel pas ça ! Je les avais prévenus, ils n’avaient pas le droit d’y toucher, on ne brise pas ces petites choses, non, ils n’avaient pas le droit. Je vais me les faire, un par un ou tous ensemble s’il le faut. Qu’ils viennent, tiens, je les attends.

Quand j’ai du shit, je partage, si je me prends un kébab, c’est pour tous. Lorsque je fais mes devoirs du temps de l’école, je leur faisais aussi. Me suis-je fait avoir toutes ces années ? Tous ces efforts pour en arriver là ? On avait dit qu’on partageait tout… d’accord mais il ya des limites.

Rhaaa, je suis en nage là, que dis-je ne nage, en rage oui ! J’en veux un, là tout de suite, maintenant ! Viens là petit con, viens là salopard je vais te la faire bouffer ! Je te promets que tu ne pourras plus t’en servir, et tu me connais. Mes promesses, je les tiens toujours.

Et ne tremble pas comme ça ! T’inquiète, je vais mettre un élastique, ça fera pas hémorragie.

Fallait réfléchir avant trouduc, c’est trop tard, le mal est fait. Vous l’avez détruite et par la même occasion vous m’avez détruit. Mon petit papillon à la main, fuis connard, fuis, j’arrive. N’oublie pas, je serai là, que tu sois prêt ou non, je serai là, tapi dans l’ombre, ou en plein jour. Là rien que pour toi petit enfoiré. Et ce sera la même pour chacun d’entre vous bande de salauds !

J’y étais presque, j’atteignais le paroxysme ! Ensemble, belle symbiose, je pensais une chose, elle l’exécutait ! Mais là, elle est aussi furibonde que moi, et elle est armée ! Méfiez vous bande de petits cons, elle n’a pas apprécié votre caresse, votre touché vicieux, malsain. Non mais qu’est ce qu’il vous a pris ? Vous étiez jaloux ? Vous vouliez votre part de plaisir ? Vous me répugnez ! Je ne veux plus vous voir ! Jamais ! Vous avez souillé mon œuvre, tout ce que j’avais construit grâce à elle. Et elle ne veut plus. Elle me repousse. Par votre faute ! Je ne la contrôle plus, je… Rhaaaa !

Un homme a été retrouvé, inconscient. Chacun des doigts de sa main gauche étaient tranché net, côté paume recouvert de peinture. Un élastique comprimait chaque moignon, endiguant l’hémorragie. A ses côtés, une toile presqu’achevée portait en son centre une trace de main, gauche, toutes les phalanges bien imprimés. La main droite, crispée sur un couteau, s’agitait en soubresauts, tentant d’atteindre les morceaux de doigts désormais immobiles. Cette même main était couverte de peinture, l’homme vraisemblablement peignait à la main… droite.

8 décembre 2008

Patriiiiiiiick !

Tout un programme. Tout prévu, nickel, réglé comme du papier à musique. J’hurlais ma joie ! Enfin, j’allais pouvoir le voir de près. Mon Patriiiiiiick ! Je suis fan ! Vraiment, totalement, à deux cent pour cent ! Toujours le sourire aux lèvres, on a fêté la toussaint, je souriais ! J’ai balancé les chrysanthèmes sur la tombe de l’aïeul, limite si je n’ai pas dansé dessus ! Pas par manque de respect hein, c’est juste que j’avais mon super walkman dernier cri à la ceinture, autoreverse, s’il vous plait ! Et que je n’arrive pas à m’empêcher de danser quand j’entends sa voix c’est tout.

Dire que c’était censé être sinistre. Je chantonnais en souriant « Cassé la vouah, cassé la vouah…. Hummmm cassé la vouaaaaah ! » C’est qu’il déchirait grave hein. Et la mère qui me regardait, ben quoi ? J’aurai dû faire une dépression parce que sa grand mère qu’était décédée dix ans avant ma naissance reposait là ? Bon allez, d’accord j’éteins. D’un geste sec, j’ai appuyé sur un bouton, au jugé, ‘tend, j’ai la classe moi, même pas besoin de regarder où qu’il est le bouton.

Je me penchai sur la tombe, toute fleurie pour l’occasion et je ne réussis pas à m’en empêcher, je fredonnai « on s’était dit rendez vous, dans dix ans… » Merde, v’la la mère qui m’a grillée. Je sens que je vais me retrouver à passer l’hiver dans ma piaule, que mon polaire, je peux m’asseoir dessus et pis que je peux aussi oublier tout les cadeaux de nowell…

Mais, non, promis maman, j’arrête, je chante plus, je ne dis plus rien, je ne veux pas que tu m’empêches d’aller voir mon Patrick.

Bah, t’façons, t’as déjà pris ta décision hein, alors… perdu pour perdu hein… Je me redressai, observai aux alentours et cracha un « Faut bien rire un peu ! Tant pis si vous n'êtes pas content, on n'a pas tous les jours vingt ans ! » (Et pis t’façons, moi, je les avais même pas les vingt ans !).