7 décembre 2009

Sages, adultes, responsables.

Le passage du train à grande vitesse la plongea dans une kyrielle de pensées en tous genres. C’était une mauvaise idée, elle le savait depuis le début. Elle n’aurait jamais dû se prêter au jeu ainsi, s’offrir petit à petit, un jeu… rien qu’un jeu. Elle l’avait laissé la découvrir, peu à peu, bout à bout, mot à mot. Elle lui avait conté ses maux, jour après jour, et lui, les mots, il connaissait. Il en usait beaucoup, s’y étant lui-même piégé, maintes fois. Lui aussi confiait, ou plutôt lui confiait ses délires, ils partageaient ainsi, riant beaucoup, souriant tout le temps. Niaisement.

Rapprochement en bonne et due forme. Amitié, simplement, il se moquait avec elle des femmes tombant dans ses filets. Elle n’y tomberait pas, elle, elle ne se ferait pas avoir comme elles, surtout qu’ils en parlaient tellement ouvertement. Ouverture, trop ouverte, plus de couverture. Inexorablement, ils s’étaient rapprochés, plus encore, trop. Ils étaient grands, adultes, responsables, ils en resteraient au virtuel, ne se verraient pas. Et pourtant.

Voiture après voiture, les visages défilaient devant ses yeux. D’ici quelques minutes, à la gare un peu plus loin, elle monterait dans un train qui le mènerait à lui. A l’étreinte de ses bras à travers un écran, aux baisers de sa bouche uniquement décrits. Elle était oppressée, habitée par un trouble imbécile. Débile, satané pouvoir des mots. Irait-elle ? Parcourrait-elle les derniers mètres ? Elle prendrait sa valise, là, posée à ses pieds, avancerait, doucement, traversant la voie ferrée. Elle paierait son billet, écouterait l’annonce de l’arrivée du véhicule, monterait. Elle s’assiérait côté fenêtre, pour rêver encore en attendant d’arriver.

Oui, elle le ferait. Juste pour une fois, rien qu’une fois. Sinon, pourquoi lui aurait il donné ses coordonnées si ce n’était pour qu’elle vienne ? Elle ne croiserait pas sa femme, son mari n’en saurait rien. Ou alors elle rentrera chez elle, sagement, reprendra sa vie habituelle, de toutes façons, même si elle s’y rendait, elle savait le retour, elle savait l’envie de rester impossible. Elle n’ignorait pas l’au revoir au goût d’adieu… Elle était amoureuse, bordel ! Elle le serait encore ensuite. Des deux. Mais culpabilisée, surtout. Alors…

Elle s’était décidée, valisette en main, elle allait refaire ce chemin, de la maison à la gare, la gare à la maison. Elle remettrait à leur place ces quelques habits pris à la hâte, l’air de rien. Reprendrait, aussi, sa place à elle, au foyer, épanouie, heureuse. Sa place devant cet objet porteur de leurs mots, ne lui dirait pas l’envie envahissante d’aller le voir, celle à laquelle elle avait failli céder. Non, ils seraient sages, adultes et responsables.

La barrière du passage à niveau se relèverait, on pourrait la voir descendre la rue par laquelle elle était venue, valise à la main, le pas léger, sûre d’elle. Dans un dernier vestige d’air soulevé par le train s’envolerait une note en papier bleu, pliée en quatre. On l’attraperait et pourrait y lire une adresse, un numéro de téléphone.

Sages, adultes, responsables.

4 décembre 2009

Petits défis du Chat

Le principe est simple, une phrase d'amorce, 15 minutes et 1500 signes maximum, espaces comprises.

Petite peur d'affronter le noir

Petite peur d'affronter le noir, petite, petite, qui a dit petite ? Angoissée, horrifiée, tétanisée, rien, incapable de rien. Allez, avance ! C’est vide, il n’y a personne ! Arrête ton délire et avance ! T’es ridicule ma grande, c’est fini l’âge de la peur du monstre planqué sous le lit… Et puis, là, il n’y a pas de lit… Au pire, tu vas me trouver, moi, tel une ombre, te frôlant, te susurrant quelques mots, écoute… Mais ? Tu trembles ? Allez... avance...

Encore un peu, laisse-toi entourer, te perdre en cette sombre pièce. Ne sursaute pas, ce n’est que moi qui ferme la porte. Voilà. On n’est pas bien, là, comme ça, tous les deux ? Je ne te vois pas non plus, je te devine, je te connais par cœur, nulle lumière ne pourrait surpasser la certitude de mes doigts. Ils te savent, t’ont goutée, tellement de fois…

Mais je n’ai plus de doigts, je n’ai plus de corps, plus de bras pour t’étreindre, et c’est ce que tu crains. Avoue. Avoue que ce dont tu as peur, c’est que je sois venu te chercher. Tu peux recommencer à respirer… Je suis juste venu t’aimer une fois encore, dans cette encre, j’ignore mon inexistence, il me semble te ressentir, là, te percevoir.

Pleure… Si je pouvais, je viendrais cueillir ces larmes. Tu sens ce souffle sur ta nuque ? C’est celui de quelqu’un que j’ai choisi pour t’aimer à ma place. Imagine que c’est moi. Tais-toi. Sens cette langue qui goûte au sel de tes yeux, dis toi qu’elle est mienne.

Tu avais peut être raison d’avoir peur…


Rien qu'une fois

Rien qu’une fois, rien qu’une toute petite fois, là, ça n’engage à rien voyons. Ne pas faire ta mijaurée, un bout rien qu’un bout. Et puis… personne n’en saura rien, t’es grande non ? Ça ne va pas se voir sur ton visage que t’as craqué ! Allez, laisse toi aller, le pire, c’est que tu ne regretteras pas. Et que tu le sais. Une pointe de culpabilité, un soupçon de honte… mais pourquoi ?

Pour un morceau de chocolat. Tu te pourris la vie pour une saloperie de morceau de cacao transformé. Fondant sur la langue, émoustillant tes papilles. Et non, ton môme ne t’en voudra pas. Tu sais qu’il n’a que six mois ? C’est même pas dans son régime alimentaire ce truc là. Dans le tien non plus tu me diras…

Tu comptes vraiment t’empêcher ainsi ? Te frustrer d’un plaisir certes fugace mais qui te laissera un goût de bien être ? D’accord, quelques souvenirs sur les hanches, aussi… Mais merde ! Laisse pas cet œuf devenir rance ! D’ici qu’il puisse le goûter, il sera immangeable ! Allez, jette-le alors !

Comment ça non ? Héhé, tu craques… Tu te bâfres, je le savais. Et tes kilos hein ? T’y pense ? T’as pas honte de te lâcher ainsi ? Non mais regarde-toi ! La tronche barbouillée de l’œuf de ton gosse ! De ton gosse ! Ouais, planque toi… ça vaut mieux… pis nettoies ça, ça fait désordre…

Demain, régime.

10 octobre 2009

Matou Maté


Charbonneux point chartreux, issu d’un chat qui élégamment chut,
Chaton déchu.
Décharné l’ami Chaussette, c’est son nom,
Baptisé de par ses blanches pattes.
Charmant poilu, charitablement recueilli il y a peu.
Par le sort acharné menacé d’abandon.
Chaussette, chaton malmené découvre la vie.
Chat rit, varie au fil des mots, mots à maux énoncés, mots châtiés.
Mi aout, chaton reprend du poil de la bête.
Famille trouvée, chahut d’enfants chatouilleux sous la queue du félin,
Chaton leur offre sourire et chaleur.
Charlatan des cœurs, s’en va vadrouiller.
Charmeur manque aux bambins qui le cherchent.
Mistigri s’en va rencontrer miss Châtaigne,
Chaleureux font profiter le quartier de leurs chants.
Moustache qui se pointe à l’heure du dîner,
Chaussette, esgourde abîmée, fier, se goinfre.
Maitre observe le chat mâchant.
Chaton a grandi.
Chaton est devenu chat.
Chat, quand s’inquiète de son appartenance, pue.
Moustache ne sera plus que sa seule virilité.
Charmant chaton s’en va devenir charmant castré.
Miaou.

28 septembre 2009

Euh

Paris, treizième. Peu avant l'aube, Pedro Santana fut réveillé par la lampe à pétrole qui fumait. Sa compagne, ou plutôt sa Poulette, comme il aimait à le dire, était levée et lui avait préparé son repas. Quelques miettes de pain sur la chemise, un relent d’œufs entre les dents, il se dirigea vers son véhicule, la journée allait commencer. Sur chaque côté de son outil de travail était peinte la phrase : "Connaissez-vous le nec plus ultra en matière de transport ?". Il l’avait inscrite lui-même, voulant marquer les esprits, en indépendant, il lui fallait se faire connaitre.

Les fins de mois étaient parfois difficiles, mais sa Poulette avait trouvé un petit boulot, le soir, elle allait garder des enfants. Lorsqu’il rentrait, sa gamelle était prête, un petit mot à côté. Elle rentrait tard, épuisée, mais ça payait plutôt bien. Paulette Lestafier n'était pas si folle qu'on le disait. Son petit boulot lui rapportait gros, certains disaient qu’à plus de vingt ans, garder des enfants, ce n’était pas un emploi. S’ils avaient su. La Paulette, dicte Poulette ne s’occupait pas d’enfants, dans la rue, le soir venu, elle se vendait au plus offrant. Et, elle aimait ça. Elle dormait le jour, jouissait la nuit et avait encore assez d’énergie pour pallier aux quelques rares envies maladroites de son compagnon. Monsieur avait l’amour bref.

Un soir, Pedro rentra plus tard que prévu. Une longue course le fit rentrer la bourse pleine par un chemin inhabituel. Ses collègues lui avaient bien dit que dans ce quartier, tapinait une dénommée Becky. L’homme n’était pas spécialement intéressé par les prostituées, amoureux maladroit de sa femme, mais il était curieux. Il continua donc, histoire de se retrouver non loin de la tapineuse. Le chauffeur de taxi se disait que Becky était un beau morceau. Il l’observa un moment qui déambulait devant lui, plus il la regardait, plus il se sentait à l’étroit dans son pantalon. N’y tenant plus, il klaxonna.

Becky, Poulette, Paulette avait remarqué depuis son arrivée le véhicule de son futur époux - quand ils auraient les moyens. Elle espérait qu’il passerait son chemin tandis qu’elle attendrait d’autres clients, se ferait prendre, vulgairement, en ne songeant pas ou peu à lui, en se disant que c’était pour payer leur mariage qu’elle le faisait, par amour. Lorsque le son retentit, elle se rendit jusqu’à lui, espérant qu’il ne la reconnaitrait pas. Sa perruque rousse et son maquillage la rendaient méconnaissable, mais on ne savait jamais. Billets en main, préserve hâtif dans celle de l’homme, elle attendait son bon vouloir.

Il sortit de sa voiture sans mot dire, plaqua la prostituée contre le capot et la besogna sans attendre, sans préliminaire, sans douceur, rien. Il y alla vaillamment, violemment même, bruyante bête à deux dos dont les ombres dansaient dans la nuit. Becky fit ce soir là, une chose qu’elle n’avait jamais faite, elle hurla son plaisir. L’homme ne la reconnut pas dans ce cri, lui qui n’avait jamais su lui offrir cela. Longue fut l’étreinte, sévère fut la redescente lorsqu’il voulut lui violer un baiser - une pute, ça n’embrasse pas - en l’attrapant par sa flamboyante chevelure. Perruque en main, une flopée de cheveux blonds glissa dans le dos de la catin. Il se retira, en silence, abasourdi.

Il reviendrait, demain.

14 septembre 2009

Bouc à book

D’habitude, je passe à droite. D’habitude. Je t’en avais déjà fait part, non ? Aujourd’hui, j’ai voulu tenter à gauche. Ce n’est pas que j’ai voulu en fait. C’est surtout qu’à droite, à droite, je ne pouvais pas. Sur le trottoir de droite, aujourd’hui, il y avait une échelle. Pas posée par terre, non. Une échelle qui prenait pied dans le caniveau pour aller se coller au mur, de droite, le mur. Et puis, comme on dit toujours, je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur. Mais dans le doute, j’ai traversé et je suis passé à gauche.

Comment c’est à gauche ? Et bien, à gauche, pour tout te dire, cher lit de mes maux, ça ressemble fortement à la droite. Sauf que… Il faut bien qu’il y ait un truc qui change, sauf que, à gauche, et bien tout est à gauche. Même mon pied, dans la grosse déjection puante due au sixième gauche. Ça porte bonheur, il parait. Mais par Dieu, qu’est ce que ça chlingue ! Pardonne mes écarts, journal de mon cœur, je me lâche ce soir.

Quelqu’un peut il m’expliquer pourquoi au vingt deuxième siècle après la grande décade, les gens s’acharnent à avoir des animaux de compagnie ? Enfin quelqu’un… Tu pourrais toi ? Parce que moi, je ne comprends pas. Avant, dans l’ancien monde, encore, on pouvait comprendre, un chien, un chat, ça passait tout seul ce genre de choses. Mais là… se promener avec un snurfle… Cette espèce de bestiole verdâtre, poilue je t’explique pas comment qui dégage une odeur telle qu’un bouc - un animal à corne qui date d’avant - dont on disait qu’il puait - serait jaloux.

Enfin voilà. Tout ça pour te dire que même si ça porte chance, du pied gauche, j’espère bien que demain, il n’y aura plus d’échelle. Parce que bon, je préfère à droite. Et, je te vois venir. T’es censé être simplement là pour recueillir mes écrits toi, pas pour émettre des hypothèses. Et dire que j’ai préféré un cahier à l’ancienne plutôt qu’une unité mémorielle… Tout ça pour quoi ? Pour finir par m’adresser à toi… Cherche l’erreur ! Non, l’erreur ce n’est pas moi. Ou alors il ne faut pas le dire.

Donc, non, je n’irai pas dire au maitre de ramasser la crotte. T’as déjà vu à quoi ça ressemble un snurfle ? Adulte, j’entends. Non, plus que ça. Rajoute un mètre en fait. Oui, oui, tout ça. Ce qui veut dire que même si le maitre est sympa, il n’est pas dit que la bête le soit. Et, non, je ne tiens pas à le vérifier. Peur ? Peut être. Sûrement même. Ne me demande pas comment j’ai fait pour ne pas voir, pas même avec ce regard, non. Je regardais l’échelle…

Il y avait un mec qui repeignait le mur, mais au pinceau… Non, personne pour lui dire de s’y tenir, personne pour enlever l’échelle non plus. Je me demandais s’il savait que l’immeuble devait être repeint. Et c’est là que je me suis senti comme arrêté par un truc collant, spongieux et malodorant qui m’englobait le pied. Non, je n’arrête pas de te parler !

Allez, bonne nuit. Je te laisse dormir mon scribouillard, ma perle rare, de nos jours, des gens qui écrivent le terrien, il en reste peu. Retourne dans ton caisson, tu ressortiras quand il faudra reprendre la rédaction. Vraiment, je préfère le cahier à l’emmagasineur de séquences mémorielles, c’est bien plus vivant. Ne réponds pas, sans ta langue, tu auras du mal.

Demain, je reprends mes habitudes. Et puis tant pis si ça porte malheur.

11 septembre 2009

Foutaises.

[Intouchable]

Marseille. Elle a installé son perchoir en ce lieu, décidant qu’ici sera l'endroit où elle reviendra parfois, où elle restera plus longtemps quand ses pieds auront besoin de repos. La ville lui a paru accueillante, les habitants ne la regardent pas (trop) de travers. Elle, la croqueuse de vie. Certes, comme partout, des bien-pensants n’acceptent pas sa façon d’exister, mais elle n’en a cure. Elle évolue au gré de ses envies, sur le moment, esprit libre. Amis, amants, mi-ami-amants aussi, les jours passent, semblables et différents. Elle travaille dans un bar, petit contrat, payée sous le manteau. Ses soirées finissent accompagnées, souvent, elle croque tout ce que la vie lui offre.

Ça ne plait pas toujours, ce qui la fait rire un peu plus. Fanfaronne et sûre d’elle, elle raconte à qui veut l’entendre que son amour est vagabond et ne s’accordera jamais aux sonorités d’un cœur. Elle a toujours su se préserver des au revoir et des adieux douloureux. C’est tellement plus simple de n’aimer que superficiellement, d’apprécier fortement et ne garder que de vagues souvenirs. Revenir, parfois, mais pas obligatoirement. Les amours d’un soir, d’une nuit… Ou les amitiés fortes, où, parfois, la nuit observe des choses peu catholiques.

Dernièrement, elle a dormi dans les bras d’un ange, ou presque. Elle s’y est plu. Un peu, beaucoup. Beaucoup trop en vérité. Elle ne l’a pas rencontré endormi sous un tilleul ni sous un olivier. Non, simple rencontre au boulot. Et, en insatiable dévoreuse, s’est intéressée. Ils ont discuté, longtemps, de pochtrons et d’amour, de miel aussi. De sous entendus en allusions, de manœuvres en verres d’eau de vie, la brune a poussé l’ange à rester une nuit, déjà. Elle a même tenté la flagornerie pour le décider… mais cet écart dans ses manigances n’a guère été concluant. Elle n’est décidément pas douée pour flatter hypocritement.

L’homme, donc, est resté, il se doit de l’aider à finir la bouteille entamée. Ils mènent ensemble, par jeu, une étude scientifique des plus poussées, celle des tourteaux en eaux fraiche et la continuent encore, au sec cette fois, la même nuit.

Le lendemain, sous les oliviers, il parle de son départ, elle d’un ami qui arrivera sous peu. Un ami-amant qui partage ses nuits lorsque son lit est froid. Le quasi-ange parle de partir immédiatement et elle se surprend à le vouloir retenir… d’un brin de mauvaise foi, met cela sur son goût des bonnes choses et sa curiosité scientifique. Et il est resté. Le soir le voit, perdu dans le noir, environné d’une odeur de sauge, devant sa porte. Rougeoiement d’un brûle gueule dans la nuit, porte qui s’ouvre et deux ombres qui pénètrent en un logis. Le sien. L’étude est menée de main de maitre, laissant là, las, deux amants éreintés. L’éveil des sens, un partage total, bestial bien plus que tendre. Elle apprend à n’être que jouet entre des mains attentives, elle qui, souvent, mène la danse, subit, volontaire. Malheureusement, ils ne sont pas en état de prendre des notes pour leurs études et l’avant sommeil se solde par des promesses de révision du sujet.

Réveil tendre qui contraste avec l’hier. L’homme a faim, elle se fait déguster, aidant par là même les coqs à réveiller le quartier. Il est l’heure de toute façon.

Soleil haut et estomacs pleins, ils s’en vont visiter les champs, la jeune femme est en repos ce jour. Le départ est encore une fois le sujet de leur discussion, il partira dans la nuit du lendemain, pour ne pas s’immiscer, pour ne pas déranger, pour ne pas qu’elle se lasse. Nulle envie de le savoir parti, mais la brune décide de simplement profiter du temps qui leur reste pour soulager leur insatiable soif de connaissances. Surtout qu’avec la mémoire à trous dont ils font montre tous deux, il faut souvent recommencer les expériences. Ils parlent mémoire d’ailleurs, et de ce qu’elle leur laissera en souvenirs, sachant déjà qu’un détail comme ce moment où ils sont deux, ne faisant qu’un, leur cerveau le gardera. Au moins un peu.

[Ou presque]

Journée tranquille, avec parfois, souvent, un goût amer dans la bouche de la demoiselle. L’heure du départ approche et la croqueuse de vie commence à se rendre compte, que, peut être, ce n’est pas seulement physique. Sans aucun doute même. Du moins commence t elle à ouvrir les yeux sur son ressenti propre, progrès, énorme. Ils mettent le temps restant à profit, elle prend soin de ses os, massant celui qui se dit vieux, complexé par trois poils blancs nichés dans sa barbe. Elle s’en moque doucement, tentant d’adoucir ces derniers moments ensemble. Amants enlacés endormis. Futur ex-amants. Les heures fuient.

Un sursaut dans le lit. Grand matin, aube passée depuis belle lurette. Il devrait être parti. Il est encore là. Tendre moment. Joie intense de la brunette, un jour de gagné. Un peu gênée toutefois vis-à-vis de l’ami-amant qui est sans doute déjà arrivé. Gêne qui est bien vite occultée de son esprit tandis qu’ils discutent, usant de leurs mots et de leurs corps. Encore. A croire qu’ils n’arrêtent pas. Ils vivent d‘amour et de bonne bectance, l’homme est gastronome. Il promet que plus tard, il lui enverra des recettes pour qu’elle cesse d’user de repas économiseurs de temps certes, mais fortement papilles-phages.

Ils se croisent au bar, le soir venu. Elle s’est allée promener durant un moment, la mi-journée entière en fait, cherchant çà et là réponses qu’elle n’a qu’au fond d’elle-même. Elle a joué avec le feu, s’est brûlée. Marquée de l’intérieur. Elle n’a pas su se préserver vraiment, elle qui défend bec et ongle sa liberté. Amoureuse vagabonde. Amoureuse fugace, d’un voyageur sur le départ.

Et son ami d’entrer au moment même où elle tente d’avouer son ressenti, à mots voilés, n’osant, enfin, dire les mots. Grand moment de solitude d’une demoiselle pourtant bien entourée. Mais l’ami ne l’est pas pour rien, ami, il dérange, le sait, le sent, et s’éclipse, les laissant parler avant le départ. Il sait qu’ensuite, la couche l’attend - couche vide ce soir là, un trousseau de clefs glissé dans la main, une adresse chuchotée, l’amiante découchera lui laissant son logis.- Une idée lui vient, à elle, pour garder l’aimé non avoué encore un instant ce soir là et indéfiniment ensuite ; elle lui propose de le croquer. Au fusain.

A la lueur de bougies, dans une chambre aux murs lézardés, pose un homme, une femme lui lançant de furtifs regards, simplement pour rafraichir sa vue, pour le plaisir de le voir, connaissant déjà chacun de ses traits, les mains actives sur une page devant elle. D’autres feuillets, lui qui se trouve représenté, toujours. Fidèle à sa promesse, après l’avoir croqué, elle s’approche pour le croquer, mais l’homme est amer. Il se torture l’esprit à propos de l’autre, l’ami, qui est en ses draps. S’ensuivent des mots aussi durs que tendres, des mots qu’elle n’a jamais imaginé prononcer, des mots qu’elle n’a jamais cru qu’il lui dirait. Au fil des mots ils lancent l’idée qu’elle le marque. Un point d’encre. Au poignet. Ce qu’elle fait. Gage de souvenir.

Ceci accompli, il retrouve sa fougue et son envie, oublié l’autre couche, oublié l’autre homme, seuls comptent désormais eux deux. Elle lui demande alors de la marquer de la même manière et, pour couper court aux questions, entreprend de le croquer, sans fusain ni mine. S’ensuit une étreinte des plus tendres, la nuit s’avance, vite, trop vite. Mirettes bleutées qui se ferment sous le plaisir décuplé. Amère étreinte au goût d’Adieu… d’Au Revoir se sont-ils dit.

Il la tatoue ensuite, comme réclamé. Des regards, une main serrée, un dernier tendre baiser, un dos tourné, un nom griffonné sur une esquisse pour qu’elle le puisse reconnaitre, un souffle et un baiser dans un cou. Frisson. Un au revoir en somme. La porte se referme sur l’homme, laissant dans la chambre coquette, une femme, nue, aux joues salées et aux épaules tremblantes dont le regard se perd dans une ruelle sombre espérant l’y voir passer. Le matin la retrouve sur le lit au milieu des draps froissés, recroquevillée, les yeux perdus dans une lézarde. Ce soir là, Morphée s’est refusé à elle.

Il lui écrira, elle aura des nouvelles, quand elle saura lire. Elle se projette dans son travail consciencieusement, gagnant en efficacité mais ayant quelque peu perdu en chaleur. Si elle n’a rien à faire, elle relave sa vaisselle propre. Pathétique ? Elle l’avait dit.

Quelques rires et sourires échangés, une danse sans musique aux pieds écrasés offerte sans arrière pensée, des histoires d’oreilles et des bras tendrement amicaux. Elle va. Ni bien, ni vraiment mal. Elle va, simplement. Ce n’est qu’un au revoir. L’amant reparti, l’ami-amant aussi, elle récupère salaire, affaires et envie de voyager. Bâton en main, elle fait comme eux, elle fuit souvenirs et crustacés, s’éloignant dans les terres.

[Zeste de Provence]

Toulon. Sous un olivier. Ou plutôt, contre son tronc. Elle dort, profondément. Arrivée depuis deux jours, elle apprécie le calme de la ville. Une ville peuplée de silences, les rues sont désertes, les quelques rares habitants présents se cloitrent chez eux, profitant de la fraicheur de leurs murs. Certains, parfois viennent interrompre la partie de cartes solitaire qu’elle joue. Interruption saluée par un sourire, bienvenue. Elle n’aime guère rester en tête à tête avec ses pensées ces jours ci. Enfin, si, elle aime ça. Mais le retour sur terre lui plait moins. Pour y pallier, elle boit, pochtronne, l’alcool a cela de bon qu’il la rend joyeuse, insouciante.

Se changer les idées, sans pour autant oublier, une gageure qu'elle compte bien soutenir. Elle s'oublie, elle, mais la brûlure ne la quitte pas. Elle a bien senti, avant son départ que son ami, essayait de l'aider un rien. Enfin, il a tenté, beaucoup, y est arrivé, un temps. Elle a refusé de se laisser gagner par un quelconque sentiment mélancolique, fort proche, prêt à éclore, mais elle lutte. Elle prend les choses, naturellement, sans chercher plus loin, croquant dans des saveurs, plus fades, sans doute, aucun, mais gouteuses malgré tout. La demoiselle songe.

Ses rêves la mènent dans des situations improbables, sur les routes, souvent. Elle va reprendre bientôt sa marche. Il serait de bon ton qu’elle trouve une bonne âme pour l’accompagner, mais pour l’instant elle n’est tombée que sur de pauvres hères incapables de quitter leur propriété quelques jours. Cela l’amuse grandement d’ailleurs. Tout comme ce jeune homme qui fait la cour à toutes les femmes qu’il croise. Lui était charmant charmeur, mais proie trop aisée. Et elle n’a guère faim.

Son sommeil est rythmé par des chutes plus ou moins régulières d’olives, un bercement apaisant. Chanson naturelle interrompue par un son pas moins naturel, mais bien moins végétal. Un bruissement d’ailes qui se stoppe alors qu’un "splotch" retentit à côté de son oreille. Ses mirettes s’ouvrent rondes telles des billes sur un roucoulant posé presque au dessus de la tête de la tout juste réveillée et s’arrêtent, les mirettes, sur un pli accroché à la patte du volatile.

Sans chercher plus loin - ni réfléchir au fait que les pigeons, animaux fabuleux, savent vous retrouver où que vous soyez - la demoiselle se relève, omettant de poser la main sur le résultat du "splotch" précédemment cité. D’une main leste, elle libère la bête de sa charge, reconnait son propre nom, tracé sur le courrier. Abandonnant là, l’oiseau, elle ouvre précipitamment la lettre, cherchant du regard quelque signature que ses yeux accrochent bien vite au milieu de lettres dont elle ignore même le son. Son sourire s’étire tandis qu’elle abreuve ses prunelles de ces signes incompréhensibles, avide d’en connaitre le sens.

Elle se dirige alors vers le Bar à Thym, lieu où elle a bien souvent croisé une jeune habitante avec qui elle a tissé quelque sympathie. A l’évocation du courrier attendu et de son illettrisme, celle-ci s’est spontanément proposée pour lui en faire lecture si jamais elle le recevait durant son séjour. Si. La poireauteuse a bien entendu accepté, non par fainéantise de prendre leçons - son professeur étant des plus agréables - mais par envie d’avoir des nouvelles, vite. Et le pli lui est parvenu. Et ils arrivent, elle et son courrier, au bar où une jolie brunette l’accueille avec un sourire des plus chaleureux.

Une gamine impatiente. Voilà ce qu’elle est. Un sourire lui fend la figure d’une oreille à l’autre tandis qu’elle tend le pli à la dévouée lectrice. Empressée, elle s’installe, en position d’attente, ne prenant pas même le temps de commander à boire. Cette précipitation juvénile amuse grandement sa nouvelle amie, ce qui amène le rouge aux joues de l’illettrée.

Enfin, elle va commencer ! Menton sur paume, coude sur la table, l’amante est littéralement suspendue aux lèvres de celle qui va lui faire connaitre les nouvelles tant espérées.

- Nouvelles d’Arles.

Arles ! Avec un peu de chance, il y sera encore quand elle arrivera d’ici quelques jours… Elle compte s’y rendre justement, ils se croiseront plus tôt ! Ainsi ses pensées la mènent vers un avenir proche, elle qui n’a jamais pensé qu’au présent vagabond. La lectrice s’est arrêtée à ces premiers mots, son visage décomposé, elle l’observe, attendant qu’elle reprenne.

Inquiète tout à coup, elle l’interroge, plusieurs fois, se demandant pourquoi elle ne veut pas lui lire le contenu de ce pli si attendu. Cela va t il si mal qu’elle n’ose le lui dire ? Pourquoi la relit-elle encore pour elle seule ? A peine un regard et elle recommence. Et rien, pas un son ne sort de sa bouche. Ni même un souffle d’ailleurs… L’angoissée lui pose la main sur l’épaule, la secouant quelque peu, préoccupée par cet air absent. Tout à coup, une pointe de lucidité. Un murmure à peine audible s’échappe de ses lèvres.

- Toulonnaise…

La jeune femme respire à nouveau, relit encore la lettre et l’amante qui a compris qu’elle n’aura pas plus de renseignement sur le contenu continue sur le même ton.

- Vous l’avez connu aussi…

Le regard vide que la muette pose sur elle lui fait baisser les yeux, première fois qu’elle fait ça devant une femme, première fois que ce n’est pas un jeu, un air à se donner. Elle s’excuse, gênée, de lui avoir demandé de lire le pli, pli qu’elle ramasse précipitamment lorsqu’il choit au sol, froissé par la main de la jeune femme bafouée. Celle-ci ne relève les yeux sur elle que lorsqu’elle quitte la taverne, laissant là une croqueuse un rien désemparée.

Elle se garde bien de faire savoir aux compagnes ou ex-compagnes de ses amants de passage qu’elle a eu quelque aventure avec eux. D’ordinaire, elle s’entend bien avec elles, et cela n’a guère d’importance. Mais là, c’est raté. Elle aurait dû s’en douter. Une demoiselle aussi charmante, sympathique et avec de l’esprit. Une personne ouverte, souriante, et qui aime bien lever le coude, ce ne peut être qu’une de ses amantes. Elle aurait dû comprendre quand elles avaient parlé confitures et liqueurs, amant vagabond, son esprit lui disait bien que l’expression ne lui était pas inconnue, mais rien ne l’avait réveillé à ce moment. Baste ! Si elle avait su… Elle partira le soir même. Pas question de lui imposer encore sa vue. Dommage, elles s’entendaient bien.

Elle la regarde disparaitre sans esquisser le moindre geste en sa direction. Elle doute d’être la bienvenue pour la consoler de quelque façon que ce soit. Elle lisse machinalement la lettre froissée et la serre contre son sein, à défaut d’en connaitre le contenu, elle l’aura proche d’elle. Presque un bout de lui. De sa besace, serrés entre deux fines planches de bois, elle sort ses croquis faits la nuit de son départ. Elle s’emplit l’esprit de leur vision, caressant des yeux l’image de cet homme qui en fait couler le sel.

Elle range les dessins du tourteau frileux et se lève à son tour. Elle apprendra à lire, plus vite. Ou trouvera une bonne âme. Quoique si elle tombe sur une autre de ses amantes délaissées… c’est peut être mauvaise idée. La tourtelle, tourterelle, dame oiselle aux ailes brûlées, marquée, prend la route, pressée d’arriver à son but. S’il n’est plus là, au moins verra t elle la ville de sa naissance. Elle se moque d’elle-même - devient elle sentimentale ? - en silence, jugeant inconvenant d’éclater de rire en cet instant. Le bâton rythme ses pensées. Vagabonde.

Après quelques nuits à la belle étoile, elle pose son bagage à Aix et se dirige, en fêtarde avertie, vers les bars. Écumage en règle donc. Papotages et discutaille. Levage de coude et sous entendus. Soirée arrosée quoi. Fin de soirée dans un verger. Accompagnée, voyons. Qui ? Ah non, ça ne se dit pas ça. Homme rassuré, mais non elle ne s’accroche pas et ne veut pas le revoir. Tiens, ça le vexe aussi. En rajoute une petite couche. Un seul l’a marquée. Quoi ? Ça ne se raconte pas après l’acte ça ? Elle s’en amuse. Départ dans la foulée, jambes un peu en coton durant les premier pas. Direction…

Arles, enfin. La veille, le sommeil lourd, dans un bosquet, l’appel de la route s’est fait ressentir. Elle ne tardera plus tant à reprendre les chemins. Bref, Arles et la rencontre d’un jeune homme tout gentil qui, avant même le moindre effleurement buccal, lui murmure des mots d’amour. Rien de tel pour la faire fuir. Ben tiens, ça tombe bien, les pieds la démangent, le papillon se trouve une excuse et se dirige vers Nîmes, prétexte quand tu nous tiens, une fois n’est pas coutume, elle fuit. Elle se serait bien attardé un brin, la lettre du brun disait qu’il était là, lorsqu’elle avait été écrite, tout du moins. Pas une trace de lui. Il avait déjà dû s’éloigner vers d'autres lieux. Les chanceux.

[Amertume du zeste]

Jolie ville, Nîmes. Pas vrai. Elle n’en sait rien. Rien visité. Elle repartira bientôt. Pas grave. En attendant, la demoiselle ère dans les bars. Rencontres diverses et variées. Puis. Surprise. Un brun. L’amant vagabond lui-même. Sourire, silence, dialogue qui s’entame. Contenu de la lettre qui s’apprend. C’est qu’il est marié ou presque, l’homme qui dort comme un ange ou presque. En gros, il était célibataire ou presque. Bon, l’approximatif, ça ne la gêne pas tant que ça, parce qu’elle, le célibat ou presque, elle connait bien.

Elle apprend qu’elle se serait sans doute bien entendue avec la dite femme. S’il le dit. C’est qu’elle a appris aussi à lui faire confiance au brun. A tort ou à raison, elle n’en sait rien. Ce n’est même pas son homme à elle et elle croit tout ce qu’il… Bref. La brune est marquée par le brun qu’elle a marqué. Si ce n’est en dedans, au moins, c’est apparent. Si, si, là, sur son poignet. Il contracte une dette, pour les amitiés gâchées. Faudra qu’elle réfléchisse à la sanction. Elle y repensera. Ou pas. Bien sûr qu’elle y repensera, quelle question.

Soirée dans un troquet ? Quelle bonne idée. Et puis, elle le reverra, sans doute. Une tignasse brune qui entre. Raté. Ce n’est pas lui. Mais la soirée s’annonce agréable. Langue acérée et phrases avares de mots, du genre de dialogue qu’elle apprécie. Sourires, papotage sur la Provence et la sensation d’être chez soi ; sur les voyages, et bien sûr, sur le nombre de voyageurs. Et là, la maitresse remercie elle ne sait trop qui d’avoir fait entrer une tierce personne. Parce qu’au moment où elles parlent d’accompagnant, la vagabonde avec qui elle discute, lui fait une description d’un ours, brun, pêcheur et amateur de miel et cet ours là, elle le connait. Bien même. L’intruse donc, leur permet d’enchainer sur le thé aux logismes, un truc imbuvable qu’elle(s) ne cherche(nt) pas même à gouter. Et là, le drame éclate. L’illuminée brise un verre d’un coup de botte dénué de la moindre once de pitié, laissant là les deux brunes effrayées, elles qui justement étaient en grande discussion avec un représentant verrier, cherchant auprès de lui, conversation intéressante. Après avoir milité un moment pour la sauvegarde verrière, les deux brunes quittent le lieu du sacrifice, la grande n’oubliant pas de préciser à l’autre qu’elle et son ours partent le lendemain.

Elle réfléchit. Un pieux mensonge pour expliquer qu’elle n’est pas repartie comme prévu. Trop bu ? Endormie ? Un bout des deux. Et justement, voila le brun qui pointe son nez. Elle a réfléchit juste à temps. Brefs saluts matinaux. Midinaux devrait on dire. Brève évocation de sa brune, avoue qu’elle est sympa. L’amante préfère quand les femmes des hommes sont insupportables, ça aide à sa conscience. Pas comme si elle avait des scrupules, mais il faut croire que ça la démange. A propos de démangeaison, la voilà qui redonne dans le pathos. Pas grand-chose en fait, un brin de réconfort, elle n’abuse même pas de la situation. Profitant juste de la chaleur de ses bras. Faut dire qu’il l’a mise en garde. Et, sagement, elle obéit. Vraiment, elle se ferait honte si elle se voyait. S’être laissé atteindre à ce point, a-t-on idée ? Mais elle ne se voit pas.

Ils se reverront. Bonne nouvelle. Taverne, chope encore. La presqu’épouse qui entre. Déçue, contente de la revoir et gênée. Mais bon, va profiter du moment, la dame est agréable. Doute que ce soit le genre de pensées qui lui feraient plaisir, à la dame. Elle a l’air de cultiver sa sauvagerie. Papotage, doucement, l’est tôt pour la grande. L’est au moins tout ça du matin. Soleil un brin plus qu’au zénith quoi. Constatant avec le même plaisir qu’un gratouilleux de cordes s’est installé auprès d’elles, elle lui demande, poliment, si, si, c’est important, d’aller jouer ailleurs. L’homme, pas contrariant, se barre. Voyageurs qui entrent. Brun qui arrive à peu près au même moment. Déglutition en bonne et due forme.

Discussion décousue sur les comptoirs, les brunes, les voyageurs et les autochtones qui auraient dû leur faire découvrir la ville. Pas un dans la taverne. Raté. Oui, ça en fait des ratés. La tension est palpable, l’intruse du couple de bruns se dit qu’elle devrait partir, elle y pense, très fort. Le brun se concentre sur sa chope ou sur les mots étranges du couple de voyageurs. Sa brune a l’air de capter quelque chose. Le couple se barre, sont plus que tous les trois. Fuis, traitresse, fuis, c’est le moment.

- Marseillaise, Demoiselle ?

Raté… oui, encore. Trop tard. Ouf, une entrée. Et la grande qui dit quoi ? Qui dit qu’ils ont des choses à se dire ? Et qui se barre… entrainant l’entrant. De la poigne. Ah ça pour parler, ils ont parlé. Trois phrases. Un qui s’excuse et file rejoindre son amour de tripes, et l’autre qui lui dit d’y aller. Devraient écrire une pièce tiens. Plus tard, ça ferait sensation. Merdouille, elle ne sait pas écrire. Tant pis, ils ne seront pas célèbres.

Une nuit de plus sur place. Pas revus. Pas plus mal. Jambes de coton et mal au cœur. Quoique le cœur ne soit pas placé au nœud des intestins. Bref. Un pli, court, dans la nuit. Signature qu’elle reconnait. Enfin, elle dort. Elle ne sait pas ce qu’il y a dedans, mais l’attention l’apaise. Elle écume les bars. Encore ? Et oui, c’est une pochtronne. Pis elle a le droit, c’est comme ça, et puis c’est tout. Sourires un peu factices, n’a pas très envie là. Mais bon, parait qu’elle va bien. En tous cas, c’est ce que ses lèvres racontent. Rencontre une madame avec qui elle discute beaucoup et finit par afficher son premier vrai sourire du jour.

De fil en aiguille, le courant passe. Nickel, chrome, ou autre alliage inconnu. Les femmes s’apprécient et la maitresse éconduite finit par s’ouvrir à l’inconnue sympathique. Après vérifications, il s’avère qu’il n’y a pas de brun amateur de miel dans ses conquêtes, elle lui demande donc de lui lire les courriers. Elles ont le temps. Le premier des plis, celui que la toulonnaise avait tenu en ses mains évoque sa femme, Arles et quelques mots plaisants. Malgré la voix féminine qui lit le tout, la brunette l’entend presque, lui. Le second. Excuses. Pour cette sorte de retrouvailles. Ah ça, elle aussi les aurait voulues autres. Billes qui se fixent sur un poing, sur un point.

Elle va reprendre la route, sa besace, son bâton, ses espérances et ses envies. Elle va profiter encore, mais ne se posera pas. Non. Elle guette toujours un peu le ciel, cherchant pigeon. Dormira où ce soir ? Belle étoile ? Hôtel ? Chez l’habitant ? A voir…

Les jours défilent lentement. Tout se passe dans la moiteur. Moiteur de la tiède ambiance des bars, tiédeur chèrement acquise à coups de volets clos. A se demander si laisser passer l’air n’aiderait pas mieux. Moiteur des nuits, nettement plus agréable lorsque deux corps se découvrent, se testent et se goutent. La fraicheur des nuits contraste avec les flammes du lit tandis qu’un léger courant d’air sur sa peau exacerbée la fait frissonner. Nul besoin d’air pour ce faire. Étreintes au goût de trop peu, d’incomplet, de bâclé. Elle les enchaine.

Elle a dormi dans les bras d’un ange ou presque, et s’est brûlé les ailes. Il parait que ces choses là repoussent, mais jamais tout à fait pareilles, sur une des siennes désormais, il y aura une pointe d’encre indélébile.

Elle avait toujours su préserver son cœur…
Foutaises !

6 juin 2009

Mésange Nocturne

Son sourd du métro sur ses rails, son étouffé, résonnant dans le tunnel, crissement suraigu de l’appareil qui freine, arrêt. Arrêt, et pas de redémarrage, comment ça, pas de redémarrage ? J’ouvre les yeux sur le terminus du métro. Quelques rares personnes s’éloignent dans les couloirs, puis les lumières s’éteignent. J’ai à peine le temps de réagir, d’émerger totalement de ce sommeil qui me prend souvent lorsque je rentre du boulot, qu’il fait noir dans les boyaux. Une lueur glauque, clignotante indique une sortie de secours, là bas, loin, trop loin pour que je songe, ne serait ce qu’une seconde sortir de ce wagon pour m’y rendre.

Mes yeux se posent sur une affiche de cinéma, une fée Clochette de taille humaine me fait face, éclairée par intermittence. Le jeu des ombres et lumières lui prête des vertus polymorphes, la faisant ressembler à un farfadet facétieux. Mon regard se perd dans les méandres des couloirs qui se présentent à ma vue. La lumière crépite encore un peu et, tel un scénario catastrophe, clignote encore une fois et ne se rallume plus. Me voici dans le noir, abandonné à moi-même. Les sons environnants envahissent mon esprit, rats arpentant les rails au repos. Clapotis de l’eau qui goutte, seconde après seconde, égrenant lentement les heures qui mettent trop de temps à s’écouler. Je remonte ma capuche, offrant un écran à mes oreilles, voulant les isoler de ces bruits qui envahissent mon esprit.

Mes yeux veulent voir, le noir opaque qui m’entoure va me faire tourner fou. Une envie folle de nicotine s’empare de mon être et je farfouille dans mes poches, à l’aveugle. Ici les cigarettes, là les allumettes. La boite émet un son résolument vide. En y tâtonnant, je devine un vestige de bois orné de rouge, collé à la boite. Le détachant précautionneusement, je songe au passage que ce court moment offrira à mes yeux l’occasion de dévorer quelque image à se garder sous la dent. Le tube de nicotine posé à mes lèvres, gardant l’espoir d’y avoir bien apposé le filtre, ma main tremblante s’empare du bois sauveteur et le frotte sur le côté de la boite prévu à cet effet.

Une fois, deux fois, l’allumette se brise. Résistant au reflexe qui allait me la faire lancer, je reprends en doigts le petit bout survivant et réitère mes efforts. Enfin, une flamme ! J’y allume fébrilement cette cigarette tant désirée et tire une longue et ô combien délicieuse, bouffée. Là, derrière la vitre me regardent deux yeux rouges, proches l’un de l’autre. La tache de lumière qui envahit ma vision depuis l’allumette s’est allumée fausse mon discernement. Dans un hurlement je jette le clope tandis que les yeux cessent de me fixer. Mon pouls s’accélère alors que ma respiration se saccade. Où est il passé ? Mon cœur emballé s’empresse de me brouiller la vue une fois de plus, ainsi que tous mes autres sens.

Je me réveille dans une chambre d’hôpital où le blanc omniprésent m’éblouit. Une infirmière entre, cherchant un « Mésanger », c’est moi, je l’en informe. Elle vient m’expliquer la situation. Le chauffeur m’a retrouvé dans un wagon, quelques minutes à peine après l’arrêt. J’étais en pleine syncope. Les explications se perdent au milieu de mes pensées. Je sais bien que je les ai vus, ces yeux, ou un reflet de ma cigarette dans le double vitrage. Quelle honte !

Le brouille méninges de Yunette

Voilà, 3 petits jeux d'écriture...
Un logogriphe, utiliser les lettres du mots PRINTEMPS et uniquement celles ci.
Une revenante, avoir dans chaque mot la lettre E et aucune apostrophe.
Et un texte libre.

«.·´*`·.(¸.·´(¸.·* *·.¸)`·.¸).·´*`·.»

Le logo truc.... (et raté, il y a un c qui se balade, dommage)

Mère, mets tes sens en mire. Père ne te ment nenni ! Père te mire, se met en tierce, se nie. Épris, père, mère, épris, repris, tries ! Mère, ne nies nenni ! Ne trier, ni nier, rien. Prier ? Pire ! Ne rien tenter. Trimer.
Printemps tenté. Ire tirée. Méritée et permise !

En temps pris et pire, épris… Te méprise, temps péri. Printemps miré, seins tirés... Présent ? Sens tirés, niés, triés. Mère ne nie ni ne trie, mère est éprise. Père ne pense ni. Père sent, ressent. Sens tissés. Printemps présent, éternité.

«.·´*`·.(¸.·´(¸.·* *·.¸)`·.¸).·´*`·.»

Renouveau

Dès que je perçus cette absence, je me rendis compte que ces petits riens que cette odeur, cette envoutante sempiternelle musique de cette démarche que seuls ses pieds savaient faire, cette silhouette, ce regard fier, le sien, étaient ; toutes ces choses ne me rendaient que davantage épris de cette unique manière que je me devais de paraitre : follement.
Malheureusement, elle ne semblait nullement être éprise de cette manière, et pendant une belle matinée de cet été orageux, elle est partie ! Commença dès ce moment, une descente des enfers que seule cette mienne âme perdue, eut été capable de commencer.
Des élixirs de vaine amnésie que furent les liqueurs issues de vignes nobles, ne me restent que cadavres épars. Amnésie? Rien ! Elle obsédait mes pensées de cette absence, me tourmentait de toutes ses choses désormais invisibles que je contemplais malgré cette envie de oublier depuis notre rencontre jusque ces petits riens que je désirais tellement.
Adieu vaches, truies, bouteilles ! Cette matinée me découvre nouveau né. Je me recycle, je jette les cadavres et me lance en industrie ! Industrie de cœur. Je ne méconnais guère grande partie des cœurs amoureux maintenant et je peux me targuer de me faire expert en douleurs intimes de toutes sortes.
Docteur es cœur, présent !

«.·´*`·.(¸.·´(¸.·* *·.¸)`·.¸).·´*`·.»

Vroum

Pousse-toi, je ne vois rien ! Non mais, tu ne vois pas que tu gènes ? Oui ! C’est à toi que je cause ! Et si tu n’es pas content, c’est le même tarif !
Tu gênes ! Si, je t’assure, tu gênes ! Allez, bouge, écarte-toi ! C’est moi qui passe, c’est moi, rien que moi et t’as rien à dire ! Pis, arrête de remuer de la queue comme ça, la mienne est bien plus belle, je vais gagner !
Taillée pour la vitesse, profilée pour fendre les flots, un coup à gauche un coup à droite, et hop ! Le tour est joué ! Zuig, zoup, zuig, zoup…

Je le vois ! Je la vois, l’arrivée, oui, je… je suis premier, je suis… je vais l’avoir, plus que quelques avancées, je peux le faire, je… Toi ! TOI ! Je vais t’atteindre, mon bonheur suprême, ma récompense ultime, mon rêve le plus fou ! J’ai été créé pour toi, et... ensemble, ensemble… nous allons créer bien plus.

Mais ? Que ? Quoi qu’est ce donc que cette membrane qui m’empêche de t’atteindre ? La ligne d’arrivée ? Le ruban de la victoire ? Je ne le pensais pas si résistant… Allez aidez moi vous autres ! Poussez… Poussez… Non ! Non, ne recule pas, pas déjà pas là, pas alors je suis si proche… Rhaaaaaaaa j’ai réussi, me voici mon amour, me voici… Mais… ma queue ? J’ai perdu mon symbole de virilité mais… c’est si… si… Je vais te couver, t’embrasser, sans bras d’ailleurs, mais nous ne aurons bientôt, te pénétrer plus loin encore pour mieux me fondre en toi et t’aimer, t’aimer jusqu’à l’explosion qui fera de nous deux êtres totalement semblables, en un seul qui se développera et vivra…



« Merde, la capote est percée ! »

27 avril 2009

IRL

Quand j’étais môme, chaque fois que j’avais du chagrin, je me réfugiais dans la nourriture. Un gâteau par ci, une sucrerie par là. Je me goinfrais sans savourer aucunement et m’enfermais dans cette démarche d’oubli que me procurait la nourriture.

Cela avait commencé tôt. Très tôt. Déjà, lorsque j’étais nourrisson, je ne me consolais que la bouche emplie du sein de ma mère, ne trouvant mon repos que lorsque j’étais repu, au point que le lait ne demandait qu’à ressortir si l’on me penchait un peu. Je savais parfois me contenter de mon pouce, mais ça ne durait pas, bien vite j’hurlais à pleins poumons, jusqu’à même en avoir des taches noires devant les yeux.

Quand j’ai grandi, j’ai gardé cette capacité de m’évader j’ai appris à lire, et me voyais tantôt héros d’un conte de fées, prêt à délivrer une belle princesse d’une forteresse d’ivoire, de jade ou … de pierre. J’ai souvent été aussi navigateur de l’espace, passionné, aventureux. J’étais, tout ce que mon corps, malmené par mon amour de la nourriture, ne me permettait pas d’être. J’étais beau aussi. Ça, c’était important d’être beau.

Arriva l’adolescence… les boutons. Ces vils boutons, traitres parmi les traitres, ceux qui défiguraient mon visage bouffi par la graisse emmagasinée. Les furoncles et les points noirs. Mes cauchemars. Mais, j’ai trouvé la parade ! Je ne sortais plus, je ne vivais qu’à travers mon petit jouet, celui que mes parents m’avaient offert avec l’abonnement qui allait avec.

Mon or-di-na-teur.

Et là, plus de complexe, comme avec les livres, mais en mieux ! En face, la princesse était jouée elle aussi, l’histoire était réciproque, elle me contait des mots doux, je la comblais de bijoux ! Et puis un jour, on a décidé de se rencontrer, pour pouvoir s’aimer en vrai, ma douce Crystal et moi, son Romeo. Nous nous sommes donnés rendez-vous, dans un bar, châle noir pour elle, cravate rouge pour moi. Et je l’ai vue. Ou plutôt, je l’ai vu. Le physique semblable au mien, quelques années de plus (le double !), une barbe de trois jours, et un magnifique châle noir sur les épaules. J’ai défait ma cravate, l’ai soigneusement cachée au fond de ma poche et me suis enfoncé dans mon siège, contemplant ma tasse de café comme si elle était la septième merveille du monde.

J’ai trouvé autre chose. Du café, je suis passé à la cigarette, de la cigarette, aux amphétamines, il fallait que je tienne, je m’accrochais à ces vies édulcorées, cocaïne, héroïne… douce héroïne dans son sachet de cristal… J’étais perdu, libre à mon idée, mais enfermé en vérité. Une prison d’évasion. L’idée fait peur, amenée ainsi. Aujourd’hui elle me fait sourire, la pensée même que je me sois laisser ainsi gagner par l’irréel va jusqu’à me faire rire. Mais à l’époque, rien ni personne n’aurait pu me le dire. J’avais choisi mes chaines, elles étaient incassables. Il a suffi d’une brèche.

La panne.

Pas une simple panne, non. La toile qui régissait ma vie, celle grâce à qui j’avais tous mes contacts, s’est brisée. Plus personne pour m’apporter mes doses d’évasions, le facteur, les livreurs me déposaient tout, je ne pouvais plus les joindre. J’ai dû sortir, marcher, avancer, sauf que je n’avais nulle adresse où aller, que je n’ai retrouvé personne, à part des gens qui vivaient.

J’ai trouvé, enfin, ma liberté, c’est la vie !

13 avril 2009

Trois petits chats

En entrant dans la salle à manger, ce soir-là, j’eus la très nette impression de me jeter dans la gueule du loup. Loup des bois. Boite aux lettres. Lettre d’amour. Mourre à trois. Partition à six mains, mains sur mon corps frémissant. Amour à trois ! Trois pièces. Lorsque j’entrai, telle était leur tenue à tous deux. Costume trois pièces. Mon mari et mon amant. Assis, là, discutant du dernier opéra auquel ils m’avaient amenée, chacun à leur tour, un verre à la main. Me voyant arriver, ils s’arrêtèrent de parler, me fixant, me détaillant comme ils savaient si bien le faire. Je n’ai pas cherché à comprendre ce qu’ils faisaient ainsi, dans cette tenue, j’aurais dû. Les voir si sereins libéra en moi l’envie de leur chanter en une unique note l’amour que j’avais pour eux deux. Tintamarre.

Sans un mot je m’avançais vers mes hommes, les laissant m’arracher mes vêtements de leurs longs doigts croches, doigts qui se firent explorateurs tandis qu’ils m’allongeaient sur la table, piano de nos ébats. Partition à quatre mains, me parcourant de part en part. Lento, adagio, moderato. J’avais à ma disposition deux flûtes avec lesquelles je m’efforçais d’accompagner leur duo. Ils me les présentèrent tour à tour. Ne pas rompre le tempo, tandis qu’il montait crescendo fut pour moi assez difficile tant le contretemps était aisé à obtenir. Ne m’ayant pas encore entendue chanter, ils me privèrent de leurs instruments, et reprirent da capo leur morceau de piano. L’un d’entre eux se mit au violon un instant, son archet, manié de main de maitre, m’amena presque sur un point d’orgue. Mais l’instant fut trop court, beaucoup trop à mon goût. Et je restais sur une blanche, longue, mais sans vivacité. Je n’osais espérer que mes deux musiciens se décident enfin à jouer en moi pour me laisser les accompagner de mon chant et, enfin, prendre mon pied. Pied à terre.

Les deux hommes étaient là, s’occupant de moi, mais je sentais qu’ils ne voulaient pas m’offrir ce que d’habitude ils étaient si empressés à obtenir. J’eus soudain envie de leur dicter la musique, mais une double croche m’intima de rester moderato. Moi qui ne rêvais que d’allegro, presto, même ! Lento, piano, les croches se faisaient noires, se firent même rondes tandis que je me cambrais, les notes s’égrenaient au fil des mes sensations, mais, petit bémol, avant que je ne puisse réellement profiter du concert, le piano cessa d’être, nul instrument ni main ne me touchait lors. Ouvrant les yeux que j’avais fermés pour pouvoir mieux ouïr la musique, je les contemplai, tous deux, se faisant tour à tour musicien et instrument de l’autre. Terre de feu.

Mon œil ne put les quitter tandis que de leurs bouches s’échappait un concert des plus réussis, le tempo y était juste, la note était pure, leur unisson on ne peut plus parfait. Et moi, moi, je me laissais aller au contretemps, de par le désespoir qui s’échappait de mes lèvres. J’aurais aimé être encore leur partition, l’instrument de leur plaisir, mais ils avaient décidé de ne faire qu’un duo. Mon amant était celui de mon mari. Cette révélation eut pour effet de me faire réagir et c’est d’une démarche hagarde que je réunis mes vêtements et que, sans me retourner, j’allai m’enfermer dans ma chambre pour y jouer mon lamento en solo. Feu follet. Laideron ?

11 avril 2009

Songe et vérité

La mer est sans routes, la mer est sans explications. Tu es pourtant parti la parcourir, telle une route et avec moult explications. « Je t’aime mais tu comprends, la mer, c’est ma vie… Je ne peux m’en séparer, mais je reviendrai, c’est une promesse, je reviendrai. » Mensonge ! Chaque jour je m’en suis venue sur cette plage, contempler l’horizon, espérer ton retour. Chaque jour les gens m’observaient, me dévisageaient, moi… et mon chapeau de paille, quel que soit le temps. De jour en jour ils m’ont regardée plus en détail avec cette protubérance que je ne pouvais plus cacher. Et mon regard sur l’horizon. Et ces gens autour, ces gens qui passent et qui ne voyaient pas. J’aurais aimé être de ceux qui insouciants profitent de la mer, des vagues… vaquent à leurs châteaux de sable et dégustent quelques crèmes glacées.
Tu m’as menti. Tu n’es jamais revenu de ce voyage hors des routes. Tu ne m’as jamais donné de nouvelles après avoir mis ton bateau à l’eau. Jamais.

Ma protubérance a disparu. Elle s’est faite toi. En plus petit, plus jeune aussi. J’ai appris à t’aimer à nouveau, à te pardonner à travers lui. Je t’ai, je l’ai, je vous ai étreints à chacun de vos, de nos, de mes chagrins. Amour. Amours. Tu manques à mes bras, tu manques à mes jambes. Ton souffle sur ma nuque, rien que d’y songer j’en frissonne encore. Les yeux clos, je revis cette dernière étreinte de nos corps ébahis. Soupir. Les mains plongées dans le sable, le fouillant, la caresse du soleil sur ma peau, une légère brise te rappelant à moi. Oh… Tu me manques mon menteur adoré. Et tu me manqueras à jamais.
Emplie de mon plaisir inassouvi, j’ouvre lentement les yeux. Toutes ces années à la même place ont eu raison des passants. Ils ne m’observent plus et heureusement. Ce moment intense de faiblesse où l’amour de l’éternel absent a empli mon âme est passé inaperçu. Je replie mes jambes devant moi, les enlaçant, frissonnante sous ma légère pellicule de sueur exacerbée par cette brise qui s’insère sous ma robe légère. Ma serviette d’habitude si parfaite est froissée, j’aurai les pieds sablés. Le menton sur mes genoux, j’observe la marée humaine. Tu ne reviendras pas. Jamais. Il faut que je me fasse à cette idée. A côté de moi, le chapeau de ton sosie. Cet enfant que tu m’as laissé. Cet amour que tu as obtenu par procuration. Ou serait ce lui que j’ai aimé à ta place ? Mal aimé ? Difficile question.
Retour à la réalité. Où est-il ? « Maman, je vais jouer juste là devant ! » Toute à mon abandon, je l’ai perdu de vue. Je l’ai oublié. Comment pourrais-tu me pardonner la perte de ton enfant ? La mer, la mer l’a pris à la mère que je suis ? Le père ne lui a pas suffit, elle a voulu prendre le fils avec ? Mère cruelle, rends le moi ! Je me lève chancelante, mon chapeau emporté par une bourrasque roule sur la plage. Les cheveux défaits, hagarde, je tourne sur moi-même, les yeux fixés sur l’horizon. Lui, pas lui… pas toi ! Tout ce qu’il me restait de toi, de vous de… Non !

Une main fraiche sur mon avant bras, mon regard qui se baisse. Toi, non lui, enfin, Toi, mon enfant, mon Amour, Toi, mon chapeau à la main qui me regarde quelque peu inquiet, les yeux brillants, débordant d’amour. «Maman!» Mon cœur fond.
Intense instant.

16 janvier 2009

Petrouchka (première mouture)




Une Volga avec chauffeur ronronne sur le bord d’une route, le ciel blanc laisse présager de la neige à venir. Un peu plus loin, une vieille femme progresse dans la steppe, silencieuse, perdue dans ses pensées. Un son, clair et coloré, la ramène à la réalité. Ce son – semblable à celui d’une cloche – la trouble bien plus qu’elle n’aurait cru. Elle s’essaie à courir, pressée, sa canne tapant contre le sol gelé. Ses souvenirs se confondent avec l’instant présent, elle se souvient ; cet endroit, elle l’a quitté il y a bien longtemps, lorsqu’elle voulut chercher ailleurs, un avenir.
Elle l’a trouvé, bien loin d’ici. Elle revoit, comme en un rêve, le jour de son arrivée, ce jour où elle fut prise en charge ; elle revoit aussi ce moment où elle reçut un nouveau nom, ce nom qu’elle porte encore, qu’elle a fait sien, Petra. Elle a vécu là-bas, au milieu d’autres enfants qui, comme elle, s’étaient découvert un foyer. Leurs parents avaient préféré les abandonner plutôt que de les voir mourir sous leurs yeux, voire pire. C’était terrible – la famine – en 1922, terrible.
C’est pourquoi ils fuirent, loin de tout ça ; des rumeurs disaient que tout là bas, en Finlande, les gens mangeaient à leur faim – trois repas par jour ! – et même, même qu’ils avaient de la nourriture à donner. Pourquoi avaient-ils ce creux douloureux dans le ventre ? Simplement parce que le gouvernement refusait toute aide internationale. Petrouchka – elle s’appelait encore ainsi – Petrouchka ajusta son mince manteau sur son corps maigre, prit son petit frère – Piotr – sur son dos et avança, droit devant elle, en direction du nord ouest. Dès qu’elle voyait un gamin, elle le hélait et tous – sans exception – la rejoignaient. Leur groupe devint de plus en plus important ; de village en ville, de ville en hameau, partout où ils passaient, les enfants suivaient. Ils n’avaient plus rien à perdre c’était un voyage de la dernière chance.
Ce n’étaient que des mômes, ils partirent sur un coup de tête, ne pensant ni aux provisions – qu’auraient-ils pu emporter ? – ni aux fraîches nuits qui les attendaient. Avec leurs seuls vêtements, fins pour la plupart, ils surent dès la première nuit que leur périple allait être difficile.
Petrouchka partit de Moscou, son frère accroché à son cou, il pesait si peu qu’il ne la fatiguait guère. Elle avança toute la journée ; le soir ils étaient douze. De jour en jour, leur nombre grandissait. Ils déterrèrent des racines pour tromper la faim, volèrent – ils eurent si peur – une charrette pour transporter les plus jeunes. Les chevaux et les bœufs ayant été dévorés depuis longtemps, les paysans ne dirent rien, trop affaiblis d’ailleurs pour leur courir après. Piotr était tellement chétif qu’il ne passa pas la première semaine. Ils commirent alors l’impensable, tenaillés par la faim, ils le mangèrent, d’abord hésitants, puis dans un état second, ivres de l’énergie étonnante débordant de ce maigre repas.
Ensuite, le voyage ne fut plus jamais le même. Certains – malgré les protéines – continuaient à dépérir, personne ne l’avouait, mais tous guettaient, à l’affût d’un nouveau festin. Aucun ne fut tué volontairement, du moins de ce qu’elle en sait. Fouettés par l’énergie tirée de leurs compagnons, euphoriques, ivres de protéines, ils avançaient plus vite encore. L’espoir leur faisant trouver de nouvelles forces.
Moscou à Petrograd – anciennement Saint-Pétersbourg, futur Leningrad –, tel fut leur premier trajet. On aurait pu les suivre à la trace, il suffisait de repérer les dépouilles laissées ça et là. Marche, marche et crève. Petrouchka ne comptait pas, ni les jours, ni ceux qui les rejoignaient, ni – surtout – ceux qui mouraient ; elle préférait ne pas connaître leurs noms, le souvenir de son petit frère toujours présent à son esprit. Elle avait mangé, comme les autres – après avoir tenté de défendre sa dépouille – résignée. Elle ne voulait pas à l’époque, mais elle sait aujourd’hui, elle sait que s’il fallait recommencer, elle croquerait à nouveau, encore et encore. Chaque jour de nouveaux arrivants, chaque matin un nouveau repas, et quel repas ! Plus ils avançaient vers le nord, plus ils mouraient mais ça ne les arrêtait pas, au contraire, ils s’approchaient de leur rêve, du pays où les gens mangent à leur faim.
De Petrograd à la Frontière – la Frontière avec une majuscule, comme Futur, ainsi qu’elle se la représentait – le trajet fut difficile. La neige se faisait plus froide, les nuits plus rudes encore, jamais elle n’aurait cru cela possible. Leurs funestes repas se faisaient de plus en plus copieux, ils hâtèrent le pas, l’approche de leur but galvanisant leurs forces. Leur objectif était la Frontière, dans l’esprit de la fillette, de l’autre côté, il y aurait du monde qui les attendait. Il fallait qu’il y ait quelqu’un, il fallait qu’ils passent s’ils voulaient manger.
Toujours plus vers l’ouest, la Finlande, ils y arrivèrent, presque. Ils ne pouvaient pas passer par le poste frontière, alors quelques kilomètres avant lui, ils coupèrent à travers champs. Ils progressèrent lentement dans la neige ; peu après ils abandonnèrent la charrette, elle s’enfonçait trop. Certains se mirent à courir, il ne restait que quelques mètres, peu de barbelés ici, la Finlande étant relativement neutre. Enfin la Frontière fut derrière eux, eux les survivants ils étaient environ deux cents – ce nombre avait été constant, régulé par les arrivées de nouveaux venus et les victimes de l’hiver –, mais personne n’était là pour les accueillir, personne.
Au loin, Petrouchka repéra une fumée, elle la signala à ses compagnons d’infortune – vite réagir avant qu’ils ne se retournent contre elle – ; ils continuèrent d’avancer, affaiblis par cette course folle, cet élan du dernier espoir. Les plus jeunes furent portés, on espéra – sans le dire – qu’on n’aurait pas besoin de leur chair pour survivre.
La fumée les guida jusqu’au poste Frontière, du bon côté du poste Frontière. Les gardes surpris, observèrent sans rien dire cette ribambelle de gamins squelettiques, puis un murmure parcourut les troupes, on ouvrit les portes de l’école, on y fit entrer les enfants. Tout le monde s’agita, s’affola, il fallait les réchauffer, les nourrir ! Ils furent pris en charge par un essaim tourbillonnant de villageois. Depuis le début de la famine, ce cortège représentait les seules personnes à avoir atteint leur village. Petrouchka, comme les autres, ne savait plus que faire – enfin des adultes ! – elle n’avait plus à diriger, plus à être forte, elle pouvait redevenir ce qu’elle était, une enfant, prise dans ce tourbillon de pensées, elle s’effondra.
Une multitude de visions l’assaillit tandis qu’elle gisait, inconsciente – on lui expliquera, plus tard, qu’elle est restée fiévreuse et délirante pendant près d’un mois, elle voyait son frère, –surtout son frère et ce regard qu’il avait pour elle lors de leurs jeux – son frère mort ce fameux matin ; elle se voyait aussi déguster leurs affreux festins, la violence de leur faim, la force de leur appétit, avec quelle hargne ils se jetaient sur cette viande à peine froide. Elle hurlait dans ce demi coma, elle hurlait qu’elle ne désirait plus rien, juste oublier, oublier ses yeux, oublier le nombre de repas qu’elle avait fait, oublier leurs noms qu’elle avait retenus malgré son obstination à les ignorer.
Le noir enfin, le noir absolu, elle sombra. Elle ne sut combien de temps dura cet oubli, cet oubli d’elle-même et des horreurs qu’elle venait de vivre. Elle se sentait détachée de son corps, ce corps qui réclamait pitance. Elle ne ressentait aucune faim – elle apprendra qu’on l’avait nourrie régulièrement à petites doses – ne ressentait rien en fait. Elle était pur esprit, un esprit à la recherche d’un corps à habiter, d’une vie nouvelle à explorer. Loin devant, dans ce néant absolu, elle perçut une lumière, un simple point lumineux, tel une étoile. Elle s’en approcha ; cette lumière devint plus forte, au point de l’aveugler, mais elle avança encore, elle se retrouva nimbée de lumière, environnée d’une douce chaleur. La lumière se fit jaune, puis vira vers l’orange, le rosé. C’est ce moment que choisit son corps pour faire tomber la fièvre, elle commença à s’agiter ses yeux mouvants sous ses paupières closes sur lesquelles un rayon de soleil tombait. Une ombre passa ; elle sentit une main fraîche se poser sur son front alors que ses yeux se rouvraient, là elle découvrit une religieuse penchée au dessus de son visage, souriante.
La nonne prononça quelques mots d’une voix douce, des mots qu’elle ne comprit pas. Elle se montra du doigt « Tilda » puis pointa la poitrine de la petite. Les cordes vocales enrayées par ce mois de maladie, Petrouchka ne réussit pas à articuler son nom, sa voix rauque laissa sortir un vague « Pretrchka », la sœur du nom de Tilda en conclut qu’elle serait – momentanément – Petra. Le sommeil la rattrapa sitôt ce baptême terminé, un sommeil lourd, réparateur.
Nouveau nom, nouvelle vie, ce sommeil fût aussi serein que le précédent avait été agité. Elle se réveilla l’esprit purifié, neuve, ses tourments toujours existants mais relégués au fond de sa mémoire. Les sœurs ne demandèrent pas aux enfants comment ils avaient survécu à ce voyage, encore moins de quoi ils s’étaient nourris, elles l’avaient lu dans leurs yeux et surtout avaient entendu Petra délirer. Elles ne leur en parlèrent pas et firent donner une messe pour leurs compagnons disparus ce qui les apaisa grandement. Bien que – trop – mûris par ce périple, ils décidèrent d’un accord tacite de redevenir de simples gamins ; ils se forcèrent à jouer au début, puis le naturel revint, les rires, hésitants tout d’abord devinrent francs, clairs, la cour de l’école en résonnait ; leurs yeux se remirent à pétiller. De peureux, farouches, ils se mirent à admettre l’éventualité d’un à venir, s’épanouirent, heureux même. Et ce, grâce à ces inconnus qui les avaient nourris, réchauffés, habillés, qui les avaient rendus à la vie ; ces étrangers, leur nouvelle famille. Leur ancienne vie, celle qu’ils avaient menée avant le cauchemar fut remisée dans un endroit de leur tête qu’ils contemplèrent peu.
Quelques semaines après leur arrivée, les autorités décidèrent d’ouvrir un orphelinat ; peu d’enfants connaissaient l’endroit d’où ils venaient, aucun ne souhaitait y retourner. On leur offrit leurs nouvelles identités ; ce prénom – Petra – né d’un quiproquo fut sien légalement, ils devinrent "pupilles de la nation finlandaise". Et c’est là que Petra naquit, là qu’elle redécouvrit la vie ; là qu’elle put être insouciante, qu’elle put vivre sans craindre la faim, la terrible faim.
Ce périple, Petra s’en souvient, et là, près du lieu de sa première naissance, quand elle entend – ce qui semble être – le marteau du forgeron, elle redevient la petite Petrouchka, celle qui courait au milieu des soufflets ; celle que l’on grondait parce qu’elle s’approchait trop du foyer ou parce qu’elle posait ses mains sur l’enclume. Elle court, comme elle le peut, en cette matinée fraiche de 1990, alors qu’elle a enfin pu revenir en touriste, faire ce pèlerinage dont elle rêvait tant dans ce village où elle a vu le jour, la première fois. Le "rideau de fer" est terminé – le mur est tombé – jamais elle n’aurait cru devoir attendre autant pour contempler son passé.
Des bâtiments sont en vue. Elle trébuche, se rattrape à sa canne, relève les yeux et s’arrête net. Il a bien changé son village. Bien loin de son souvenir en fait, les quelques maisons clairsemées qui étaient à l’époque la banlieue moscovite ont disparu. Elle n’a pas rêvé pourtant, c’était bien le son d’un marteau sur une enclume qui l’a faite vibrer de tout son être tout à l’heure. Mais laquelle ? Devant elle, une nuée humaine sort d’une immense usine tandis que d’autres laissent échapper leurs ouvriers. L’une d’elle occupe l’emplacement de la forge de son père et, au vu de l’emblème or sur fond rouge, ce n’est pas lui qui a fait fortune.
Elle ne s’attendait pas à le retrouver, ni sa mère d’ailleurs, trop de temps a passé, mais elle aurait aimé, oh combien aimé, revoir ce village où – bien avant de devoir partir – elle avait coulé des jours heureux. Cette plaine où elle jouait avec Piotr, le ruisseau où elle avait manqué se noyer, tout à disparu. Elle essaie de s’approcher un peu plus pour mieux se rendre compte du changement. Ses jambes se dérobent, et elle reste là, au milieu des architectures de béton et de taule, prostrée, lasse, vidée.
Des ouvriers, pressés, s’étonnent de voir une vieille dame plutôt élégante, à genoux, en larmes tendant les bras à d’invisibles personnages et balbutiant : "Papouchka ! Mamouchka !".
La neige commence à tomber.
Cette neige la ramène à une autre neige, une neige d’il y a 68 ans, non pas celle de ce village, ni même celle de son voyage, mais celle qui avait le goût de la liberté, de l’espoir et de la renaissance. Petra se relève, les jambes flageolantes. Ce n’est pas ici qu’est sa vie, sa vie, elle l’a vécut bien loin d’ici, dans le pays où l’on n’a pas faim, où l’on peut rire, sans crainte. Ici, elle n’a que des souvenirs, heureux ou pas, mais son avenir sera auprès de ses enfants, Peter – ce fils qui a pour elle le même regard qu’avait Piotr, son frère – ses filles et leurs nombreux enfants.

5 janvier 2009

Absurde

Un homme, une femme, dans un lit. Lui,

Le père Noël est mort à 23h59.

Quoi ?

Le père Noël est mort à 23h59.

Pourquoi tu dis ça ? t’as vu ça où ?

Mais nulle part ! J’imagine juste ça comme une possibilité, un délire en somme, pense à la une du journal le 25 décembre « Le père Noël est mort à 23h59 », et surtout à l’effet que ça aurait eu !

Mais… et les cadeaux ?

Ben justement ! c’est ça qui est drôle ! Le père Noël qui serait mort juste avant de les distribuer ! Rien qui arrive, pas une luge, pas une poupée ni de soldat de plomb ! Nada !

Pas même des billes ?

Rien de rien ! Rien que les rêves des enfants déçus le lendemain !

Non, mais ce n’est pas possible ! T’imagine l’ambiance le lendemain ?

Bah ? pour une fois tout le monde sera la même enseigne le matin de Noël ! Pas d’enfant déçu parce que le cadeau ne lui plaisait pas à côté d’autres n’ayant rien.

Il ricane.

Ben et les nôtres d’enfants ? hein ? t’en fais quoi ? T’imagine leur tête ? Non vraiment ça ne me plait pas qu’il ne passe pas, mais alors, pas du tout ! Je… je ne sais pas ce que je vais faire mais ça ne va pas se passer ainsi !

Elle se lève prestement, lui, la regarde faire.

Tu vas où ?

En cuisine ! je avis lui faire son goûter au père Noël !

Il arque un sourcil.

­Et ?

Et je t’assure qu’il ne fera pas un coup comme ça ! Ne pas amener de cadeaux aux enfants ! C’est inadmissible ! Il ne fera pas de mal impunément, moi je te le dis !

Il la regarde faire, impuissant devant une telle rage et s’endort.

Un peu de farine, un œuf, de la mort aux rats, du lait…

Elle chantonne presque en déposant le goûter funeste au pied du sapin. Puis retourne se coucher.

Un homme en blouse blanche, un thermomètre à la main.

Heure du décès estimée à 23h59.

Elle,

Il l’avait bien dit qu’il mourrait à 23h59 !

Grimaçant,

Par contre… ce que je ne savais pas, c’est que le père Noël, c’était mon mari !