7 décembre 2009

Sages, adultes, responsables.

Le passage du train à grande vitesse la plongea dans une kyrielle de pensées en tous genres. C’était une mauvaise idée, elle le savait depuis le début. Elle n’aurait jamais dû se prêter au jeu ainsi, s’offrir petit à petit, un jeu… rien qu’un jeu. Elle l’avait laissé la découvrir, peu à peu, bout à bout, mot à mot. Elle lui avait conté ses maux, jour après jour, et lui, les mots, il connaissait. Il en usait beaucoup, s’y étant lui-même piégé, maintes fois. Lui aussi confiait, ou plutôt lui confiait ses délires, ils partageaient ainsi, riant beaucoup, souriant tout le temps. Niaisement.

Rapprochement en bonne et due forme. Amitié, simplement, il se moquait avec elle des femmes tombant dans ses filets. Elle n’y tomberait pas, elle, elle ne se ferait pas avoir comme elles, surtout qu’ils en parlaient tellement ouvertement. Ouverture, trop ouverte, plus de couverture. Inexorablement, ils s’étaient rapprochés, plus encore, trop. Ils étaient grands, adultes, responsables, ils en resteraient au virtuel, ne se verraient pas. Et pourtant.

Voiture après voiture, les visages défilaient devant ses yeux. D’ici quelques minutes, à la gare un peu plus loin, elle monterait dans un train qui le mènerait à lui. A l’étreinte de ses bras à travers un écran, aux baisers de sa bouche uniquement décrits. Elle était oppressée, habitée par un trouble imbécile. Débile, satané pouvoir des mots. Irait-elle ? Parcourrait-elle les derniers mètres ? Elle prendrait sa valise, là, posée à ses pieds, avancerait, doucement, traversant la voie ferrée. Elle paierait son billet, écouterait l’annonce de l’arrivée du véhicule, monterait. Elle s’assiérait côté fenêtre, pour rêver encore en attendant d’arriver.

Oui, elle le ferait. Juste pour une fois, rien qu’une fois. Sinon, pourquoi lui aurait il donné ses coordonnées si ce n’était pour qu’elle vienne ? Elle ne croiserait pas sa femme, son mari n’en saurait rien. Ou alors elle rentrera chez elle, sagement, reprendra sa vie habituelle, de toutes façons, même si elle s’y rendait, elle savait le retour, elle savait l’envie de rester impossible. Elle n’ignorait pas l’au revoir au goût d’adieu… Elle était amoureuse, bordel ! Elle le serait encore ensuite. Des deux. Mais culpabilisée, surtout. Alors…

Elle s’était décidée, valisette en main, elle allait refaire ce chemin, de la maison à la gare, la gare à la maison. Elle remettrait à leur place ces quelques habits pris à la hâte, l’air de rien. Reprendrait, aussi, sa place à elle, au foyer, épanouie, heureuse. Sa place devant cet objet porteur de leurs mots, ne lui dirait pas l’envie envahissante d’aller le voir, celle à laquelle elle avait failli céder. Non, ils seraient sages, adultes et responsables.

La barrière du passage à niveau se relèverait, on pourrait la voir descendre la rue par laquelle elle était venue, valise à la main, le pas léger, sûre d’elle. Dans un dernier vestige d’air soulevé par le train s’envolerait une note en papier bleu, pliée en quatre. On l’attraperait et pourrait y lire une adresse, un numéro de téléphone.

Sages, adultes, responsables.

4 décembre 2009

Petits défis du Chat

Le principe est simple, une phrase d'amorce, 15 minutes et 1500 signes maximum, espaces comprises.

Petite peur d'affronter le noir

Petite peur d'affronter le noir, petite, petite, qui a dit petite ? Angoissée, horrifiée, tétanisée, rien, incapable de rien. Allez, avance ! C’est vide, il n’y a personne ! Arrête ton délire et avance ! T’es ridicule ma grande, c’est fini l’âge de la peur du monstre planqué sous le lit… Et puis, là, il n’y a pas de lit… Au pire, tu vas me trouver, moi, tel une ombre, te frôlant, te susurrant quelques mots, écoute… Mais ? Tu trembles ? Allez... avance...

Encore un peu, laisse-toi entourer, te perdre en cette sombre pièce. Ne sursaute pas, ce n’est que moi qui ferme la porte. Voilà. On n’est pas bien, là, comme ça, tous les deux ? Je ne te vois pas non plus, je te devine, je te connais par cœur, nulle lumière ne pourrait surpasser la certitude de mes doigts. Ils te savent, t’ont goutée, tellement de fois…

Mais je n’ai plus de doigts, je n’ai plus de corps, plus de bras pour t’étreindre, et c’est ce que tu crains. Avoue. Avoue que ce dont tu as peur, c’est que je sois venu te chercher. Tu peux recommencer à respirer… Je suis juste venu t’aimer une fois encore, dans cette encre, j’ignore mon inexistence, il me semble te ressentir, là, te percevoir.

Pleure… Si je pouvais, je viendrais cueillir ces larmes. Tu sens ce souffle sur ta nuque ? C’est celui de quelqu’un que j’ai choisi pour t’aimer à ma place. Imagine que c’est moi. Tais-toi. Sens cette langue qui goûte au sel de tes yeux, dis toi qu’elle est mienne.

Tu avais peut être raison d’avoir peur…


Rien qu'une fois

Rien qu’une fois, rien qu’une toute petite fois, là, ça n’engage à rien voyons. Ne pas faire ta mijaurée, un bout rien qu’un bout. Et puis… personne n’en saura rien, t’es grande non ? Ça ne va pas se voir sur ton visage que t’as craqué ! Allez, laisse toi aller, le pire, c’est que tu ne regretteras pas. Et que tu le sais. Une pointe de culpabilité, un soupçon de honte… mais pourquoi ?

Pour un morceau de chocolat. Tu te pourris la vie pour une saloperie de morceau de cacao transformé. Fondant sur la langue, émoustillant tes papilles. Et non, ton môme ne t’en voudra pas. Tu sais qu’il n’a que six mois ? C’est même pas dans son régime alimentaire ce truc là. Dans le tien non plus tu me diras…

Tu comptes vraiment t’empêcher ainsi ? Te frustrer d’un plaisir certes fugace mais qui te laissera un goût de bien être ? D’accord, quelques souvenirs sur les hanches, aussi… Mais merde ! Laisse pas cet œuf devenir rance ! D’ici qu’il puisse le goûter, il sera immangeable ! Allez, jette-le alors !

Comment ça non ? Héhé, tu craques… Tu te bâfres, je le savais. Et tes kilos hein ? T’y pense ? T’as pas honte de te lâcher ainsi ? Non mais regarde-toi ! La tronche barbouillée de l’œuf de ton gosse ! De ton gosse ! Ouais, planque toi… ça vaut mieux… pis nettoies ça, ça fait désordre…

Demain, régime.