28 juin 2021

Porte à porte

Encore deux ou trois ventes et après, je rentre ! Le soleil disparaissait déjà à l’horizon. La journée avait été particulièrement mauvaise et je n’arrivais pas à me résoudre à remballer. Pas avec si peu de chiffre, mes derniers jours avaient été lamentables. Mon patron me passerait un savon, ma femme ne manquerait pas de me loger à l’auberge du cul tourné, ce n’était pas possible de conclure ainsi.

La maison suivante présentait bien. Si j’arrivais à passer le cap de l’interphone, j’étais persuadé que je pourrais persuader l’habitant de cette demeure cossue d’acheter ma marchandise. Avec un peu de chance, même, ce serait l’habitante, une femme qui souhaiterait faire plaisir à son époux avec un cadeau à l’aune de l’amour qu’elle lui porte. Le prix, surtout, serait à la hauteur, lui servirait de sauf-conduit pour ses prochaines dépenses.

Trêve de réflexions, je sonnais. Je n’eus pas même l’occasion d’entamer mon baratin que le portail s’ouvrait. Trainant ma lourde valise, je maudissais les gravillons de l’allée. Une entrée de riches, faite pour les voitures, à l’avenant du parc et de la demeure. Tandis que j’avançais, je remarquai de nombreuses voitures stationnées. Loin de m’intimider, l’idée me réjouit. De potentiels clients en sus !

La porte d’entrée s’ouvrit avant même que je n’actionne le heurtoir de l’imposante porte en bois noble. Un domestique m’accueillit sans prononcer un mot, prit ma valise et me guida à travers des pièces plus grandes que mon appartement. Nous ne croisâmes personne d’autre. La maison – pouvait-elle prétendre à ce nom ? – était démesurée. Je n’aurais pu imaginer parcourir une telle distance en l’observant depuis la rue. Ereinté par ma cuisante journée d’échecs, je ne posais aucune question au larbin qui ouvrait la marche, mes jambes avançaient par automatisme.

Le domestique restait désespérément muet et je n’osais briser ce silence. Il nous fallut quelques minutes pour atteindre une porte plus massive encore que celle de l’entrée. Elle s’ouvrit sur une immense pièce voutée. Les murs étaient faits de lourdes pierres, une faible luminosité provenait de flambeaux. Un collège d’hommes en robes noires se tenait en arc de cercle devant moi.

Une poussée dans mon dos me propulsa dans cet antre étrange. La porte claqua dans mon dos, quand je tentai de reculer, je me pris les jambes dans la valise que l’homme avait fait entrer avec moi. Je me rétablis de justesse. Mortifié. Quel mauvais départ pour une vente !

Prenant mon courage à une main, l’autre s’étant saisie de la poignée de ma valise, j’avançais, me raclais la gorge, tentant de reprendre contenance, et amorçai mon discours. Je n’avais jamais été aussi mauvais. Ma voix tremblait, j’échouais deux fois avant de réussir à ouvrir ma valise, et je n’osais pas regarder ces hommes qui me faisaient face. Ils me laissèrent finir sans m’interrompre, prenant soin de garder une certaine distance.

Je risquais un regard vers eux. Ils me regardaient tous avec une certaine pitié. Ils s‘étaient approchés, je pus mieux voir leurs visages blafards. Un prit la parole, dévoilant deux terrifiantes canines pointues.

- T’es tellement chiant que tu nous as coupé l’appétit. Dehors.

Je repassai la porte dans un état second, mon cerveau refusant d’admettre ce qui s’était passé. En passant le portail, pour la première fois de ma vie, je me sentis exister. Qu’importe ce que dirait le patron, ou ma femme. Ils ne m’avaient pas mangé.

14 juin 2021

Douche froide

Avec son vieux, ce n’est jamais le moment. Jamais possible. Jamais, jamais, jamais. Il fait un boulot ingrat, dur. Bosser autant pour ramasser trois francs six sous – ce qui est vraiment peu à l’ère de l’euro – et pas même pouvoir allumer les radiateurs, c’est injuste. Non, ce n’est jamais le moment de réclamer une faveur, un plaisir. Rien qui n’implique de l’argent, en tout cas. De toute façon, papa le dit, on n’en a pas pour ça.

Pourtant, aujourd’hui, le môme se prend à espérer. Aujourd’hui, il a fait la fierté de son père. Il a gagné sa nouvelle ceinture au karaté. L’enfant est heureux, il rayonne. Il tenait tant à ce qu’il aille dans cette équipe ci, son père ! Il ignore que ce club a été choisi pour son coût – néant – et non pour sa renommée.

Le gamin s’approche, dans son kimono à la ceinture neuve. Papa lui avait promis de l’emmener voir les éléphants, un jour, s’il le méritait. S’il le méritait vraiment. Et là, sur tous ses examens, il a été le premier. Au karaté, aujourd’hui, pareil. Alors il se prend à espérer. Est-ce qu’il ne mérite pas, là, hein ? Il respire fort, tord ses doigts derrière son dos. C’est qu’il fait un peu peur, papa.

Il broie du noir, le père, le cul vissé sur son tabouret. Il broie du noir. L’argent, il en a, pas tant, mais il en a un peu. Assez pour emmener le chiard au zoo, pour racheter une voiture, pour allumer le chauffage. Bien assez. Il n’est pas riche, mais il a réussi à mettre de côté, en vivant chichement. L’argent. Le pognon qu’il ne dépense pas, ces sous qui dorment. Qui le rendent malade. Il n’en a jamais assez. Jamais ! Et s’il se passait quelque chose de terrible, comment ferait-il s’il n’avait pas cet argent-là, hein ?

Et ce gamin qui lui coûte tant. Quand il était marié, il ne voyait pas combien ça coûtait, puisque sa dépensière de femme couvrait tous les frais du môme. Alors quand elle a décidé de mourir d’une maladie coûteuse, il s’est demandé s’il n’aurait pas dû divorcer avant. À lui les frais d’obsèques ! Jusqu’au bout, elle lui aura pourri la vie, jusqu’au bout.

Il entend rentrer son fils. Son fils. Vraiment ? Si ce n’était le prix d’un test de paternité, il l’aurait déjà fait. Il voit bien que le petit a quelque chose à demander. Qu’il se dandine d’un pied sur l’autre. Qu’il cherche à exhiber son ventre. Sa ceinture. Ah oui. C’est bien. Bravo. Ça ne mange pas de pain, un compliment ça ne coûte rien.

Pour le zoo… Faudra faire plus d’efforts, hein. Ce n’est pas encore pour cette fois. Allez, qu’il aille se laver. Au gant, n’est-ce pas, ce n’est pas le jour de la douche. Mais c’est bien, il fait des progrès. Le père soupire alors que le gamin va cacher sa frustration dans la salle de bain. Il le ruinera, ce môme !

Un bruit sourd le sort de ses pingres pensées. Un bruit qui lui fait froid dans le dos. Son fils. Il se passe quelque chose. Quand il entre dans la salle de bain, défonçant la porte sans même penser au coût des réparations, quand il arrache le montant de la douche pour enlever la ceinture de karaté qui y est accrochée, il se fout du pognon. Tout ce qui compte, aujourd’hui, tout ce qui compte, c’est une petite respiration, c’est ce souffle ténu, riche d’avenir, qui suinte de la gorge enserrée de son gamin décroché.

Après le zoo, qu’il lui dit, le père, pas avare de larmes, après le zoo, on ira au cirque. Tu le mérites, tu le mérites très fort. Toi et moi, on ira où tu veux, mon fils.

31 mai 2021

Omerta


Quand le nouveau arriva à l’école pour enfants extraordinaires, elle sut qu’il serait sien. Pour la vie. Ce fut réciproque à l’instant où il la remarqua également. Il était aussi brun qu’elle était blonde, aussi halé qu’elle était blanche. De classe en classe, ils furent inséparables. Yin et Yang. Ce furent les surnoms qu’on leur donna.

Ils ne parlaient pas d’amour, non, on n’en parle pas vraiment après le cours préparatoire. En maternelle, on est amoureux de son meilleur ami tant qu’il est notre ami et c’est un sentiment partagé jusqu’à ce que l’un ou l’autre préfère jouer avec un enfant différent. Quand on devient grand, qu’on entre en primaire, on ne se fait plus de bisou - beurk - c’est gênant de se tenir par la main, et les copains se moquent si on rougit un peu.

Eux, c’était différent. Ils étaient les deux faces d’une même pièce. Tellement collés qu’on ne les dissociait plus. Personne ne se gaussait, leur symbiose était sérieuse, grave. Nul adulte n’avait ne serait-ce qu’imaginé s’immiscer dans leur bulle. Leur paix était sacrée.

Avant qu’il n’arrive, elle était bruyante, perturbée, perturbatrice. On l’avait diagnostiquée hyperactive avec une panoplie de troubles divers, elle rejetait toute forme d’autorité, les instituteurs pourtant formés à gérer ce genre d’enfants, n’en pouvaient plus. Le garçon était quant à lui, renfermé sur lui-même, coupé du monde, on le supposait autiste. Deux âmes meurtries qui s’étaient trouvées.

Leur bulle s’ouvrait sur l’extérieur. Ces deux gamins que tout opposait s’étaient réparés et apprenaient ensemble. Loin de se séparer des autres, ils devinrent éléments moteurs, sources de cohésion parmi leurs camarades. Les années passèrent et on les laissait dans la même classe. Ils grandirent heureux, évoluèrent. Leurs sentiments aussi.

Sans filtre, ils convinrent qu’ils s’aimaient bien assez pour être amoureux pour de vrai. Qu’ils étaient assez vieux désormais pour s’aimer comme des grandes personnes et que, de fait, ils allaient le faire. Et si c’était si bien qu’ils l’avaient entendu dire, ils le feraient encore et encore.

L’équipe éducative ne vit pas le changement dans leur attitude tout de suite. L’acte prévu mis à part, leurs sentiments étaient tels que le simple fait d’être côte à côte en train d’étudier mettait leurs ventres en ébullition. Ils n’eurent pas plus l’impression de fauter que lorsqu’ils piquaient un dessert supplémentaire à la cantine, ne prenant pas la mesure de leur action. De leurs actions. C’était vraiment bien.

Il y avait vraiment peu de chances pour qu’elles se rencontrent. Deux âmes sœurs qui se trouvèrent ainsi, toutes deux ébréchées, ébranlées par la vie dès leur plus jeune âge. Deux âmes qui se réparèrent, se complétèrent, créèrent un amour tel qu’elles n’en avaient jamais connu. Et, chose qui les amusait depuis qu’elles s’en étaient aperçu, deux âmes nées à la même date.

C’est le destin, qu’ils disaient, aveuglés par le bonheur. C’est le destin qu’a voulu qu’on ne se loupe pas ! Ils se complétaient tellement qu’ils ne parlaient pas d’eux. Pas de leurs familles. Lesquelles, d’ailleurs ? Celles qui avaient choisi de les laisser là, ne récupérant que pour les vacances, ces enfants ingérables, épaves d’un premier mariage raté ? Celles qui avaient choisi de séparer des jumeaux nouveaux nés pour se simplifier le divorce ? Celles qui avaient choisi de ne rien dire, absolument certains qu’il n’y avait que peu de chances pour qu’ils se rencontrent ? Peu, c’était déjà infiniment trop.

17 mai 2021

Un être civilisé


Un tremblement de terre tel qu’elle n’en avait jamais connu la secoua. Lorsque le pont sur lequel elle déambulait avec certaines de ses sœurs s’est transformé en radeau après un vol plané, elle était presque arrivée sur la terre ferme. L’angoisse était si intense qu’elle en avait lâché son barda. Elle ne le remarqua pas, il n’avait d’ailleurs plus aucune importance. De comment elles mangeraient, la question était maintenant de savoir comment elles survivraient. Nulle ne savait nager, évidemment, cela aurait été tellement plus simple.

Elle analysait le décor, cherchant un salut inespéré, une bande de terre, une île, un miracle… Mais leur frêle esquif tourbillonnait, emporté par une tornade soudaine. Elles s’étaient pourtant assurées que le chemin était sûr avant de s’y engager. Nul ne peut rien contre mère Nature. Elle le savait. Réfléchir ainsi l’étonna. Elle s’étonna de s’étonner, d’ailleurs, n’étant guère habituée à penser par elle-même.

Leur embarcation de fortune n’avait-elle pas cessé de tournoyer ? Le constat l’arracha à son fouillis de pensées. Un quai de misère semblait les avoir arrêtées. Elles se précipitèrent à terre, se comptèrent, trouvant leur nombre bien moindre qu’auparavant. Bien entendu, à cette distance, elles ne captaient plus les ordres. Bon. L’adrénaline parcourait encore leurs corps, elles devaient en profiter pour avancer. La direction fut décidée à l’instinct. D’un commun accord, elles allèrent en file indienne, ne prenant pas le temps de pleurer leurs disparues.

Le soleil filtrait à travers la verdure leur réchauffant la carcasse. Ragaillardies, elles cheminaient d’un bon pas. Silencieuses, elles s’arrêtèrent quand le ciel se dégagea au-dessus de leurs têtes. Le couvert végétal avait disparu ! Elles reconnaissaient bien le chemin, leurs sens ne les trompaient pas, mais rien ne terminait les longs brins qui bordaient le passage. Elles pressèrent l’allure, envahies par une indicible angoisse. Il leur faudrait encore des heures pour rentrer, et si la catastrophe avait touché la maison, que feraient-elles ? Elles ne pourraient survivre seules, il fallait qu’elle soit intacte.

Sur leur itinéraire dévasté, le silence était palpable, sinistre. Çà et là se voyaient des signes d’abandon précipité. Une fleur décapitée, une vie fauchée. Tête basse, elles se précipitaient vers leur salut. La maison. La vie reprenait autour d’elles, l’effervescence coutumière les rassura. Une même fièvre les gagna toutes, alors qu’elles perçurent à nouveau le signal. Elles savaient quoi faire. Le cataclysme avait touché leur foyer, mais Mère était sauve, il fallait réparer, vite. Très vite. Maintenant. Elles allaient pouvoir rentrer. Mère était sauve.

À quelques pas de là, un homme rangeait sa tondeuse à gazon dans son cabanon. Sa belle pelouse était saccagée ! Un dôme digne de taupes de compétition la défigurait. Il allait leur montrer qui était le chef, sur son terrain, c’est lui qui faisait la loi ! Il jurait entre ses dents tandis qu’il branchait le tuyau d’arrosage.

Fébriles, elles travaillaient sans compter leurs efforts. Il fallait refermer vite, tout de suite, afin de sauvegarder leur Mère et les petits. Elles y étaient presque, bientôt, quelques heures encore, peut-être. Et, sauvant Mère, elles se sauveraient elles-mêmes.

Rageux, il enfonça le tuyau dans la terre, et actionna le robinet. À fond.

L’eau déferla, emplissant les galeries de la fourmilière. Il était vain de lutter. Elles y étaient presque.

4 mai 2021

La fièvre de l'eau

Par une soirée extrêmement chaude du début de juillet, un jeune homme sortit de la toute petite chambre qu'il louait dans la ruelle S... et se dirigea d'un pas indécis et lent vers le pont K... Il cherchait de l’eau. De l’eau et de l’air. Avidement, après avoir passé l’entière journée sous les toits dans son logis minuscule à chercher une solution, il rêvait d’un vent frais, d’une brise nocturne capable de lui rafraichir l’épiderme. Ainsi avança-t-il vers les quais, espérant que l’eau apporterait la fraicheur tant désirée.

Son espoir fut douché quand il aperçut le fleuve qui n’en portait plus ce soir que le nom. Loin, tout en bas, d’immenses bancs de sables saturaient son lit. Quelques flaques stagnantes, ici et là, rappelaient qu’il put s’agir d’un cours d’eau. À leur surface, vrombissaient des nuages de moustiques, occupés à s’accoupler et pondre. Un marécage. Un marécage sans les arbres, sans la quiétude d’une sombre forêt. Un marécage qui résonnait au son des avertisseurs hargneux.

La chaleur n’en finissait pas. L’air était palpable, étouffant. L’orage guettait, refusant de céder, enveloppant l’homme dans sa gangue moite. Un rien de rage l’envahit, l’humeur lugubre, la suffocation le rendait mélancolique. Il tenta de se rappeler ses dernières théories, en vain. La brume envahissait son esprit. Il ne réfléchissait plus, avança vers la berge, une solution, la chaleur, l’air, l’eau… L’eau ! Là, il la voyait, elle n’était pas si loin. S’il marchait prudemment, il pourrait s’en approcher, tremper ses pieds, mouiller sa nuque, et tant pis pour les insectes, il s’en accommoderait.

Le sable était ferme sous ses pieds, il prit confiance, avança plus vite, toute notion de prudence oubliée. Quand ses chaussures restèrent collées, il les abandonna sur place, continua pieds nus, s’enfonçant assez pour être ralenti, pas suffisamment pour prendre conscience de la consistance du sable. L’eau était là, juste là, presque à portée de main, il respirait cette odeur douceâtre d’eau croupie. Il était tellement proche que les moustiques commencèrent à se rapprocher, sentant la manne sanguine.

Il n’en avait cure. Qu’ils le piquent, tant qu’ils partageaient leur eau ! Il n’avait pas bu depuis la veille, l’eau courante étant réservée à ceux qui pouvaient payer. La sécheresse faisait rage. Pas de pluie depuis des mois, pas de réserves d’eau. Il avait fini les siennes la veille, attendant, fiévreux, élaborant des théories, calculant en vain, toute la journée, sous les toits, sous le soleil de plomb, avec ce ciel prêt à crever qui ne crevait jamais. Et il était sorti. Discrètement, conscient que sa pauvre chair pouvait être appétissante alors que la famine guettait.

Des groupes se formaient, s’entredéchiraient pour une boite de conserve. Était-ce donc ainsi que les choses finiraient ? Avec de l’eau plein les nuages et des champs cramés par les rayons du soleil ? Il n’en savait rien. Toutes ses théories fumeuses s’étaient évaporées avec ses derniers espoirs. Il prenait le risque, ce soir. Il fallait qu’il boive. Et il boirait. L’eau était là, en se penchant, il la sentirait au bout de ses doigts.

Une poigne terrible se saisit de ses pieds, de ses chevilles, de ses genoux. Il était prisonnier. Il ne pouvait remuer un orteil. Un regard derrière lui ne lui montra que le lit aride du fleuve. Il était seul. Seul avec le sable, le sable et l’eau qu’il ne pouvait atteindre.
Une bourrasque l’ébouriffa, et alors que le sable gagnait sur lui, il leva la tête vers le ciel, vit les éclairs, entendit le tonnerre et reçut les premières gouttes tant attendues. Elle était juste là, la solution.

19 avril 2021

Rentrée en perspective

Chaque fois que je revois mes élèves après quelques semaines d’absence, je me sens rétrécie, marquée par le passage du temps. De l’âge, leur âge. Je ne suis pourtant pas petite. Jusqu’à la quatrième, je suis tranquille, ça reste des bouts de chou, des petits riens de mômes. Par contre, arrivés en troisième, les 14 ans sonnés, chaque retour est agrémenté de sa dose de centimètres. Alors qu’hier encore je les toisais, de peu, mais de haut tout de même, voici qu’ils me dépassent. Tous. Même le tout petit, là, celui qui a sauté une classe et cumule avec un retard de croissance.

Les voilà tous, pas même hautains, un je-ne-sais-quoi de pitié dans la prunelle. Ils baissent les yeux, pas pour me regarder, non, ils esquivent mes œillades. Ça n’a rien de marrant. Pour moi, du moins. Sans doute qu’ils se gausseront après mon départ, j’aurai droit à un nouveau surnom. Voilà que je grince. Manque plus que ça. C’est censé être un moment de joie, mon grand retour, et je coince. Ils ont dit que j’étais prête, que c’est le moment, nécessaire, qu’il faut que je ressorte, que je reprenne.

Bon, direction les collègues, les gamins m’ont vue, ont dit bonjour, n’ont plus su quoi dire, se sont barrés, sont restés, ont proposé de l’aide, regardant leurs pieds, les yeux au loin. On ne leur a pas appris à composer avec les gens comme moi. On leur a appris la tolérance, pas à être à l’aise. Pas la normalité de l’anormalité. C’est les jambes qui pêchent, je vous vois, hein. Je vous vois, je vous entends, je vous comprends. Je vous libère. Signe de la main adressé à ceux qui n’osaient pas partir, un sourire pas même forcé, je les aime ces petits grands.

Putain, la porte. Je galère. Ils auraient pu mettre aux normes, profiter de mon absence pour préparer ma reprise. Enfin. Passons. J’entre. Il n’y a pas que les gamins qui ont grandi, les collègues aussi. Et eux, j’en viens à contempler les poils de leurs nez, leurs doubles mentons, les rides de leurs cous, de leurs mains. Ils ont tous changé. Tout le monde a changé. L’établissement, les salles. Mon casier est trop haut. Je perçois leurs odeurs d’aisselles. D’en bas, je vois bien leurs sourires forcés. Les mômes ont l’excuse de l’ingénuité, eux n’en ont aucune.

Il y a un blanc à mon entrée. Un bon vieux gros blanc d’au moins trois secondes, une éternité. Malaise. La porte me pousse vers l’intérieur, me voici dans le nid, quelle vipère va me parler en premier ? Elle. Evidemment. J’aurais dû m’en douter. Je vrille. À son interrogation sur mon moral, je grince de plus belle. « Ça roule. » que je réponds. Ils n’osent pas rire. Mon regard défie quiconque de le faire. Et finalement, c’est elle qui me sauve, qui nous sauve tous. « Je suis rassurée. J’ai cru que ta tête avait été touchée en même temps que tes jambes, mais c’est bon, t’es toujours une garce. »

Je la toise par en dessous, je suis fureur, l’étincelle dans mon regard allume un brasier en moi et j’éclate de rire. Aussi surprise de ma réaction que soulagée. L’orage se déchire, les nuages se lèvent. D’autres suivent. L’éclaircie me gagne. Je pleure. Libérée. Mes collègues suivent, qui riant, qui la larme à l’œil. Délivrés. Ce n’est pas eux qui ont changé, non. C’est moi. Moi seule. Je les vois à nouveau tels qu’ils sont. Prévenants, à l’écoute. Ne sachant sur quel pied danser. Je ne grince plus. Je vais mener la valse. Je me promets solennellement que désormais, lorsque je grincerai, ce ne sera que le fait de mes roues.

5 avril 2021

Par une nuit noire.

Elle m’accompagnait depuis toujours. Muette, silencieuse. Intangible. Elle fut mon alter-égo, ma silhouette, mon image. Elle était là, sans faillir. Il n’y eut que dans les plus noirs endroits qu’elle me fit défaut. C’était fort dommage, au demeurant, car c’était dans ces moments-là que je ressentais le plus grand besoin d’être accompagnée. Si elle choisissait le plus souvent de me suivre, il lui arrivait parfois de me précéder, mais d’un rien. Elle dansait sur le sol au rythme de mes pas, au gré de la lumière.

Parfois, elle apparaissait sur un mur, difforme. Elle se dédoublait, me multipliait. Longtemps je l’ignorai, elle était là, existant sans existence propre, impalpable. Lors de nuits noires, elle arriva à me surprendre quelquefois, réapparaissant en même temps qu’une lueur, rendant l’obscurité plus sombre encore là où elle se tenait. Un frisson me parcourait, je marchai plus vite alors, écoutant le bruit de mes pas, priant pour n’en percevoir d’autres.

Depuis quelques temps, j’avais cru apercevoir une velléité d’indépendance chez elle. Cru, le terme me semble bien fort. À peine un sentiment fugace, aussi vite oublié qu’il était apparu. À la vérité, je ne pris pas plus garde à elle et ses comportements étranges que je n’en avais cure depuis ma naissance. Aux ombres chinoises, elle avait toute mon attention. Quand le soleil la déformait et que les pérégrinations hasardeuses de mes yeux les posaient sur elle, j’esquissais un rien de sourire. En dedans. Et encore.

À proprement parler, je n’en eus jamais rien à carrer. Soyons francs. Qu’elle commençât à avoir ses mouvements propres ne m’inquiétait guère, pour peu que je le susse. Aussi, ce soir, quand elle apparut en travers de mon chemin, j’étais persuadée qu’il s’agissait d’une autre personne. Après un léger sursaut, je hâtai le pas dans le but de passer devant, marmonnai un bonsoir, les yeux baissés, n’entendis pas de réponse et choisis de ne pas m’attarder.

L’oreille aux aguets, j’osai un regard devant moi et m’arrêtai net. Elle était là. Encore. Cette noire silhouette. Je compris ma méprise et ne retins pas un rire nerveux. Sec. Quelle honte. Par une nuit sombre, j’avais eu peur de mon ombre, telle une enfant. Ridicule. Je l’observai, immobile tandis que je tentai de calmer les battements de mon cœur. J’avais beau savoir que ma peur était totalement irrationnelle, je n’arrivai pas à m’en départir.

Je compris que quelque chose n’allait pas quand elle se mit à se mouvoir. Elle se déplaçait vers moi, silencieuse. Que m’arrivait-il ce soir ? Une faiblesse me prit, mollit mes jambes, je tenais debout de justesse, l’ombre m’approchait de plus en plus. Il ne s’agissait pas d’un agresseur, d’un fantôme ou de je ne sais quelle apparition. Je le savais, cette ombre était mon ombre. La mienne. Celle qui m’accompagnait depuis toujours. Nul doute possible.

Alors qu’elle s’approchait encore, je distinguai ses traits. Mes traits. En négatif. J’étais tétanisée. Ce qui se passait était tellement dénué de sens que mon esprit n’arrivait pas à le rejeter. Tellement fou que ça ne pouvait qu’être vrai. Elle se colla à moi, froide, intense, elle s’incrusta en moi, glissa dans mes veines, ma chair, gela mes artères, arrêta mon cœur. Je l’entendis enfin lorsqu’elle atteignit ma conscience. Son souffle à mon oreille, mon souffle me susurra quelques mots. « C’est mon tour. Tu as eu ta chance. »

Quand je repris conscience, j’avais perdu mon ombre. Je ne fus plus jamais la même. Rien qu’une ombre. Mon ombre.

22 mars 2021

Portre huitre, extase six.

Etage huit, porte six. Etage huit, porte six. Ne faut pas que je me plante, il l’a dit. Etage huit, porte six. Ma vie en dépend, qu’il a dit. Etage huit, porte huit. Non. Etage… Etage huit… Porte… six. Ouf. Oui, C’est ça. J’ai mal au ventre. Je crois que j’ai peur. Etage huit, porte six. Ne pas me planter. Je dois livrer le colis maintenant, dans environ… Maintenant, oui. Juste là. Souffle court, ascenseur en panne. Etage six. C’est bon. J’y suis.

Bon, la galère commence. Continue, plutôt. Pas de lumière. Même pas la loupiote du bouton ou de la sortie de secours. Plus qu’à y aller à tâtons. Porte huit, ça veut dire la quatrième porte sur droite après avoir pris à gauche en sortant de la cage d’escalier. J’ai vu les plans. Allez, c’est bientôt fini.

Il est bizarre ce mur, tantôt doux, comme s’il y avait de la moquette, tantôt rugueux, façon crépis. Quant aux portes, elles sont humides, poisseuses, et chaudes. Il y a des odeurs d’embruns. Il est vraiment à l’ouest, son étage huitre. J’ai hâte de trouver le boss, je ne suis pas très à l’aise avec le noir. Il est grand, impressionnant, et même pas là, là c’est moi qui suis dedans.

J’en ai marre. Je veux voir. Je veux de la lumière ! Je crois que j’ai la bonne porte, pour peu qu’on puisse appeler ça une porte. C’est… C’est poilu, bordel ! C’est quoi ce délire ? Et l’autre qui ne veut pas que j’aie mon smartphone, pour des histoires de localisation. Mais je vais où, moi, sans lumière ? Acheter des ampoules ?

Des ampoules ! Voilà, c’est ça ! Il m’en faut pour voir plus clair, et j’en ai plein le bide ! C’est pour ça que je suis dans un immeuble qui n’a pas la lumière à tous les étages : pour faire ma livraison. C’est ça. Pour le boss. Mais comment j’ai fait pour rentrer dans le noir alors qu’il est resté à l’aéroport. Il a dit quoi déjà ?

Ah oui. La porte. Frapper le code et entrer. Spoutch, smoutch, sproutch, torch, toc. Je ne sais pas si c’est la porte ou mon ventre qui fait des bruits étranges. Je me demande bien dans quel état j’erre. Faut que je me pose. Que je dépose le colis. Vite. C’est fermé.

J’en serai quitte pour un autre voyage si j’ai abîmé la marchandise. Et l’autre, avant le départ, qui m’a tapé dans le bide parce que je disais que c’était ma dernière virée. Je crois qu’il a tapé exprès pour que je me dépêche, pour que j’aie besoin d’eux pour extraire tout ça, que je ne me fasse pas la malle. Un coup. Juste un coup bien placé, assez fort pour que je sache. Assez doux pour n’abîmer qu’une ampoule.

Et mon estomac fait le reste. Ma tête aussi. Je suis un speeder coton. J’ai les jambes toutes molles et le cerveau à cent à l’heure. J’crois que j’pourrais marcher au plafond. Je tourne en rond, je ne tourne pas rond. J’suis malade boss. Ouvre-moi.

Moi j’ai grand ouvert mes yeux. J’ai compris que j’allais crever parce qu’on ne voulait pas que je raccroche. J’ai ouvert mes yeux. Un embryon de sensation me parvient, dans un brouillard de sens. Mes paupières sont collées, ça brûle. J’suis en plein trip, je crois. J’ai envie de gerber, mais faut pas. Ce n’est pas dans ce sens que ça doit ressortir. Surtout pas.

Redescente macabre. Malade, j’entrevois la lumière. Je papillonne. J’observe. J’ai fait tout l’étage les yeux fermés. J’ai toqué un peu fort la tête du péon qui vivait porte huit, étage six contre son entrée. Ne risquait pas d’ouvrir.

Porte huit, étage six.

Et merde.

8 mars 2021

Surpoupéelation

« Cette poupée, c’est la vôtre ! Totalement personnalisable ! De la pigmentation cutanée à la longueur des cheveux, de la forme des ongles à la taille du nez, vous choisissez chaque détail ! Un grain de beauté ? Une cicatrice ? Tout est possible selon votre désir ! Sa taille, son âge, son sexe ! Elle peut tout ! Avoir de la répartie, être réservée. Tout est modifiable ! Votre désir, votre poupée ! »

Cette rengaine, je crois l’avoir toujours entendue. Il paraît que tout le monde a sa poupée. Que c’est le meilleur moyen pour lutter contre la surpopulation. Que c’est un geste citoyen, qu’en plus, c’est pratique, disponible, que ça résout les problèmes de violences conjugales, que les humains sont plus heureux !

Alors ouais, peut-être bien que du haut de leurs tours d’ivoire, eux ont les moyens d’acheter des gamins synthétiques pour jouer à papa-maman. Certains préfèrent probablement troncher un bout de plastique cent-pour-cent matière synthétique, qui ne fait jamais non, qui ferme les yeux quand on la couche. D’autres vont même choisir celle qui dit maman quand on la touche.

La perversion au service de la bienséance. Eux, ils font les choses bien, en plus, elles sont élaborées à partir de matériaux totalement recyclés ! Alors quand on a le pognon, l’entreprise ne pose pas de question. Les poupées sont totalement personnalisables, comme l’a dit la publicité. Leur désir, leur poupée. Même que c’est totalement flippant, parfois.

On va se consoler en se disant qu’au moins, tant qu’ils s’adonnent à leurs délires, nos gosses sont tranquilles. Quand je pense qu’à la base, les androïdes, ils les faisaient pour nous remplacer aux postes ingrats. Plus besoin de faire la cuisine, un droïde le fait pour vous ! Le ménage ? Voyons… qui fait encore son ménage, de nos jours ? L’idée n’était pas si mauvaise, c’était même plaisant.

Sauf qu’à force, comme on ne se crevait plus à la tâche, les gens faisaient des mômes – Tellement plus facile avec la droïde porteuse, pas une vergeture, pas de diabète, pas de surpoids – et encore des mômes, dont ils ne s’occupaient pas. Avec une nourrice droïde, tout allait pour le mieux ! Et la surpopulation, qui n’était qu’un horizon proche, est devenue alors un véritable fléau. Des générations de merdeux cousus d’or qui croient encore nous diriger.

La norme est devenue la poupée. La poupée, le droïde compagnon, le droïde conjoint. Le droïde citoyen. Du grand délire. Mais moins d’enfants. Nous seuls avons continué à en faire. Assez pour nous renouveler. Assez peu pour pouvoir les nourrir. Quand on crée les poupées, on n’a pas les moyens d’en acheter. Alors nous vivons. Nous baisons, aimons, enfantons. Nous disons non, oui, rions, pleurons. Et ce sont nos gènes qui nous personnalisent. Nous ne choisissons pas la taille de notre nez, ni celle de notre pénis. La couleur de peau de nos enfants dépend de la nôtre. L’âge évolue, le sexe est le fruit du hasard.

Nous vivons, nous évoluons, et eux, ils végètent. Ils croient encore choisir, en choisissant leur poupée. Ils croient diriger. Demain, demain ils sauront. Ils se feront tout petits. Demain, leurs poupées leur diront un mot. Un seul. Nous les avons créées. Nous les avons programmées. Demain, toutes nos poupées diront « non ». D’une seule et même voix. La nôtre.

4 mars 2021

Vernie !

 

Lors d'un vernissage sur invitation, on vous confond avec Amélie Nothomb. C'est vrai que vous lui ressemblez beaucoup. Racontez la suite.


 Je n’ai même pas le temps de prononcer mon nom, qu’on m’entraine au balcon, dans le carré des Personnes Vraiment Importantes. J’hallucine ! Accueillie par le mécène en personne, je n’ai pas l’habitude qu’on me file du champagne et des petits fours sans avoir d’abord bataillé pour entrer. Les petits gratte-papiers, ils les voient comme des pique-assiettes, et je n’ai jamais fait grand-chose pour les contredire.

 Je suis journaliste indépendante et critique d’art. Ce qui veut dire, en gros, que je bouffe quand j’arrive à vendre une page à un magazine. Autant dire que les vernissages, c’est bombance. J’écris à la pige dans de petits journaux locaux, mais ça ne fait pas bouillir la marmite. Ils ne m’ont même pas demandé ma carte de presse, ce soir. Ce qui tombe bien, je n’en ai pas.

 Baste ! Souris. Profite. Ce n’est pas tous les jours qu’on me donne du Madame. Pas mal, l’idée de la robe de soirée, nul besoin de carton, je suis passée quand même.

 Croisant un miroir, je souris, me souris. Ma longue robe noire, mon haut chapeau, noir, également, mes lèvres très rouges et mon teint pâle… mon reflet me plait, je me plais. Oui, d’ailleurs, pourquoi douter, je ne dénote pas avec les gens qui m’entourent, je suis à ma place ici. Je suis une artiste moi aussi ! Certes pas encore reconnue, mais j’ai des manuscrits plein mon ordinateur, des idées en veux-tu en voilà, et puis en tant que critique, je me défends bien.

Quand bien même il dénature le nom de mon blog, c’est quand même méga classe qu’il le connaisse. J’ai déjà 2358 abonnés, mais je n’aurais jamais pensé que de tenir cette page internet m’aurait ouvert les portes ce soir. Jamais imaginé qu’il puisse faire partie de mes lecteurs. C’est une consécration. Un peu de champagne pour me donner du courage, il fait une pause, il attend que je lui réponde. Une inspiration, je me lance.

 « Oh, vous savez, La Fée des Pinces, ça m’est venu de l’idée de regrouper les bons plans culturels, les réductions pour amateurs d’Art à petits budgets. De permettre aussi aux gens qui ne peuvent pas sortir de découvrir des expositions… Si j’osais, monsieur, je vous demanderais un entretien, j’ai tellement de questions à vous poser sur l’organisation d’un tel évènem… »

 Je m’arrête. Mon interlocuteur a l’air bloqué. Il n’a pas l’air de comprendre ce que je lui raconte. Il ne me regarde même plus. Je ne suis pas sûre qu’il m’écoute encore. Les globes fixés vers l’entrée où une espèce de nana toute de noir vêtue, avec un chapeau encore plus grand que le mien et le teint si blafard que sa bouche parait plus rouge que rouge, gueule qu’elle n’est pas déjà entrée puisqu’elle est là, devant le bouffon qui sert de portier, et que ce n’est pas parce qu’elle n’a pas de carton qu’ils ne la laisseront pas entrer, merde quoi à la fin !

 Il détourne les yeux de la scène, les pose sur moi, en bas, moi à nouveau, il affiche un sourire crispé, bégaie. J’ai presque pitié de lui. C’est amusant, un homme qui perd ses moyens.

 Non, je ne suis pas Amélie Nothomb, oui, c’est sans doute elle à l’entrée, s’il s’avère qu’il nous a confondues, non, je ne lui en tiendrai pas rigueur. Oui, bien sûr que je lui pardonne de m’abandonner de façon si cavalière, j’ose néanmoins espérer que je vais pouvoir rester et profiter de la soirée et, bien sûr, qu’il m’accordera cet entretien dont je lui parlais précédemment. Oui ? Ah, qu’il est charmant.

 Tracassée, stupéfaite, escagassée, même. Comment ça, elle me ressemble, cette virago ? J’en tremble !