Son dernier texte est à découvrir chez Lunatik & Cow.
Attention, le contenu du blog peut choquer certains lecteurs.
Ç’avait été
son tour, choisie parmi les autres. Régulièrement, c’était la même
mascarade. Une femme était choisie dans la populace, vierge ou pas, il
s’en foutait, le Roy. Tout ce qu’il voulait, c’était un héritier. Mâle,
bien entendu.
Nulle
n’avait su lui donner un fils. Aucune de celles que ses gardes lui
avaient choisies. Aucune. Nul couillu pour porter la couronne. Le
système était simple. Il prenait femme, il prenait femmes, même, chaque
jour ou presque, une nouvelle venue s’installait au château et il
l’honorait de sa royale semence. C’est qu’il avait de l’honneur à
revendre ! Royal, l’honneur ! S’il vous plait.
Une
fois engrossées, elles étaient parquées au palais. La consigne était
simple, la première à lui donner un fils serait épousée. Reyne ! Bien
sûr, on ne leur demandait pas vraiment leur avis, et puis c’était
tellement d’honneur ! Finir Reyne, qui n’en aurait pas rêvé ?
Il
lui fallait un héritier, rapidement, c’est qu’il commençait à se faire
vieux. Avant toute cette opération, il avait bien tenté, perdu du temps à
se marier. Plusieurs fois. Ses épouses ne lui avaient données que des
filles, lesquelles, quelques années plus tard, ne s’étaient retrouvées
capable que de mettre au monde des fendues !
Ses
propres filles l’avaient trahi ! La chair de sa chair ! Décidemment, il
ne pouvait faire confiance à personne. C’est pourquoi il les répudia
toutes, mères et filles, sans distinction et fit mettre en place une
nouvelle loy - il pouvait, il était le Roy ! - qui disait que la
première des femmes qui lui donnerait un fils, serait par lui épousée et
donc, Reyne.
Les
premiers mois, le palais ne désemplit pas, et il s’en donna à cœur
joie ! Il se paya même le luxe de choisir. Les premières furent toutes
vierges, au moins la première nuit ! Quel plaisir il prit à les
déniaiser ! Plaisir bien vite oublié dans la monotonie du geste. C’est
qu’une vierge, ou une tout juste dépucelée, l’expérience, ça n’en a pas.
Passées les premières taches de sang, leurs grimaces n’avaient plus
rien d’émouvant.
Il
se lassa. De la centaine de pures épurées sur lesquelles il s’était
acharné jusqu’à ce qu’enfin, semence prenne - mise à part une qui était
stérile - toutes devinrent grosses. Dès que les médecins le lui
confirmèrent, il les laissa tranquille. Elles n’avaient plus aucun
attrait à ses yeux. Si ce n’étaient leurs ventres.
Et
les premiers enfants naquirent. A la fin de l’année, toutes les
anciennes vierges avaient accouché. De filles. Cela faisait déjà vingt
ans qu’il s’essayait à cela. Plus une vierge n’était à marier. Toutes
étaient passées par le château.
Il
n’était pas méchant, il voulait un fils. Rien de plus. Il savait bien
qu’un jour, il en aurait un. Il était allé voir un vieux devin. Et le
dinosaure avait été formel. Il aurait un fils. Un jour. Mais il devrait
prendre garde. Le protéger, s’il ne voulait pas qu’il parte trop tôt
pour pouvoir prendre la couronne.
Il
se décida à chercher parmi les femmes mariées. Les époux n’avaient rien
à dire. Les rares qui avaient osé protester s’étaient retrouvés, un
matin, la gorge tranchée.
Par
chance, il trouva au milieu de ces femmes, des amantes. Les étreintes
furent parfois appréciables. On lui apprit même de nouvelles positions !
Ah, comme il les chérit ces femmes là ! Il fut modèle de gentillesse,
revenant même les trouver pour le plaisir, alors qu’elles étaient
grosses !
Puis elles accouchèrent.
De filles.
Toutes.
Il tenta l’eau d’une source dite miraculeuse, elles en burent de la Quézac, ses amantes !
Rien n’y fit.
Il
désespérait. L’homme ne sortait plus de chez lui. L’on s’inquiétait de
la tenue du Royaume. À trop se projeter sur ce qu’il en adviendrait
après sa mort, il en oubliait de s’en occuper de son vivant. Des vilains
se révoltaient, ses ministres, heureusement beaucoup moins obnubilés
par sa descendance que leur Roy, arrivèrent à maintenir un semblant
d’ordre.
Bûchers et potences pullulèrent.
Chaque
jour on lui amenait une femme, il la chevauchait, distribuant sa royale
semence sans même goûter la chair. Sans plaisir. Aucun. On ne venait
même plus lui annoncer la naissance de ses filles, on puisait dans les
caisses la bourse à donner aux mères, puis elles retrouvaient leurs
maris respectifs.
D’année
en année, on lui ramena ses filles, ses petites filles pour certaines,
devenues femmes… Elles subirent l’étreinte de cet être ridé, gentil,
toujours, mais qui faisait cela mécaniquement. Marmonnant une diarrhée
verbale, parlant d’une prophétie durant l’acte. Las, on ne savait pas
encore conserver la semence, sinon on leur aurait bien épargné cela.
C’est que le Roy, osait on parfois murmurer lorsqu’on ne nous entendait point, le Roy tournait dément !
C’est
à ce moment qu’elle fut choisie. On l’était allée chercher loin, là où
sa grand-mère s’était réfugiée, jeune veuve tout juste accouchée. A
l’époque, cette jeune femme tout juste épousée avait été emmenée, son
époux s’était opposé. A peine mariée, elle fut veuve. Emmenée au Roy,
ensemencée, accoucha d’une fille, sa mère, donc, vous suivez ? et
renvoyée chez elle.
Sa
mère n’avait jamais cherché époux, elle avait été emmenée pour la
tentation des vierges. Etait elle aussi revenue avec une fille, elle.
Elle,
elle avait toujours vécu là. Avait rencontré un mari aimant, follement
même. Et lui avait donné huit fils. En neuf ans de vie commune. Elle
allait accoucher du neuvième lorsque les gardes se présentèrent à sa
porte. Son mari montra de l’impatience, d’un geste elle le calma. D’un
autre elle rassura les gardes, elle viendrait au château sitôt que son
corps pourrait accueillir le foutre du Roy.
Elle
restait étonnamment calme. Son neuvième enfant naquit, un fils. Elle
sourit à son époux, resta encore quelques semaines auprès de ses
enfants, abandonnant là son dernier né qui serait nourri au sein de la
voisine nouvellement accouchée d’une énième fille du Roy. Son corps
s’était remis, elle pouvait prendre la route.
En partant, elle promit à son mari qu’elle ne serait pas Reyne.
Elle
s’efforça de ne pas montrer son dégoût par la chevauchée de celui qui
était son père et son grand père. Elle fit le poirier après l’étreinte,
laissant la royale semence la pénétrer toute, au fin fond de ses
entrailles. N’eut finalement à subir ses assauts que deux fois avant que
le jus vaillant ne prenne racine. Elle attendait un enfant. Un garçon,
elle n’en doutait pas. Elle ne voulait pas être Reyne.
Les
mois passèrent, son ventre s’arrondit. Elle vécut ces moments comme de
longues vacances. Profitant de chaque instant. Elle apprit à lire,
écrire même. En profita pour écrire à son époux. Elle réitéra sa
promesse. Elle ne serait pas Reyne.
Elle
approchait du terme. Comme à chaque fois, elle attendait et redoutait
ce moment. Quoique celui là sonnait… Différemment. Elle connaissait son
corps, à chacune de ses délivrances, elle était seule, ne souffrant
aucune présence alors qu’elle était si vulnérable. Elle se prépara,
allant chercher une bouteille d’alcool fort, une lame fine et
tranchante, quelques linges…
Elle
se mit à la fenêtre, observant les constellations, la nuit était
claire, nulle lumière n’était nécessaire pour ce qu’elle allait vivre.
Les étoiles brillaient d’une lueur farouche, elle leur sourit tandis que
son corps se cambrait. Elle mordit un morceau de cuir pour ne pas
crier. Si l’on venait trop tôt…
Elle
accoucha, en silence, sereine, ou presque. Ses gestes étaient précis,
sûrs. Les jambes encore tremblante, elle lia le cordon, le trancha. Elle
contempla l’enfant un instant. Il était malformé. Enfin, un enfant sain
n’aurait rien changé à ses desseins. Elle posa un bâillon sur la bouche
du nouveau né, lia ses bourses à leur base et les trancha. Elle porta
ces bourses minuscules et les mit dans la bouteille.
Un bel ornement.
L’enfant
n’aurait pas pleuré, quand bien même elle ne lui aurait pas mis le
bâillon, il n’aurait pas crié non plus. Il était né débile, en sus
d’être malformé. Le fils, petit fils et arrière petit fils du même homme
ne pouvait naitre qu’ainsi.
Quand
le Roy entra, - elle l’avait fait mander après s’être occupée de sa
complète délivrance - elle lui confia le paquet bossu qu’était son fils.
En lui souriant, elle lui dit qu’il avait l’air de tant tenir à
l’éventuelle paire de burnes de son descendant, qu’elle voulait être
sûre qu’il ne lui arrive rien.
Il
commençait seulement à croire en ce fils premier né, à se dire que plus
jamais il n’aurait à caresser de femme, pas qu’il préférait les hommes,
non, mais, qu’enfin, il aurait du repos. Il lui sourit, un sourire
plein de bonté, enfin libre, li…
Ses
yeux accrochèrent la bouteille contenant le précieux trésor de
l’enfant. Il comprit ce qu’elle venait de faire. Démaillotant l’enfant,
n’osant y croire malgré la vérité toute crue qu’il avait sous les yeux,
il aperçut l’emplacement vide. De rage, il fracassa le nouveau né contre
le mur. Quel père ! Ce fils qu’il attendait tant !
Il
voulut ordonner la mort de l’impie mais un de ses ministres vint lui
murmurer une idée à l’oreille. Il pouvait encore réessayer. L’idée ne le
séduisait certes pas de s’accoupler encore avec cette castratrice, mais
cette femme était la seule qui avait su lui donner un mâle héritier.
Dans un ironique rictus, elle lui demanda comment elle devrait
l’appeler. Chéri, Papa ou Papy ?
Dans
ses bras flasques coulait un sang bleu. Il la gifla, elle lui sourit
plus encore. Il la fit enfermer, les autres femmes furent renvoyées à
leurs logis, s’il y eut des fils dans cette fournée, on n’en sut rien.
Elle ne fut pas épousée. On attendait qu’elle lui donne un autre fils.
Il
la venait voir chaque jour, plusieurs fois par jour, même. Elle se
laissait faire, molle entre ses bras, le laissant la besogner sans
marquer la moindre émotion. Ni envie, ni dégout. Il ne se lassait pas.
Cette indifférence l’émoustillait, et surtout, elle était la seule
capable de transformer sa semence en un couillu !
Il
eut fallu pour cela qu’elle fut à nouveau grosse. C’est que, le jour de
l’accouchement, elle avait usé de son couteau. Sur elle. Certaines se
débarrassaient de leur idée fixe avec un baquet d’eau chaude, elle, elle
faisait en sorte de n’y pas penser. Du tout. Elle finit par le lui
dire. Goguenarde, moqueuse.
Le vieillard ne survécut pas à la nouvelle.
Elle
fut accusée de l’avoir assassiné. Ce qui était le cas, sans doute, un
petit peu. C’est qu’il avait le cœur fragile, le Roy, malgré l’exercice
qu’il faisait chaque jour… A se vider ainsi autant, il avait perdu de la
substance. Amaigri, la vision qu’il gardait des burnes dans la
bouteille lui torturait l’esprit, l’empêchant de se sustenter. Alors,
quand elle lui apprit qu’il ensemençait un champ mort…
Les
ministres décidèrent qu’elle était coupable. Ils la firent brûler vive.
Une femme qui avait tranché les bourses de l’héritier du Royaume ne
pouvait être qu’une sorcière !
Le
peuple la célébra telle une sainte. Libéré enfin du satyre voleur de
vierges. Elle eut sa statue, sa fête. On l’aima plus qu’on n’avait
jamais aimé le souverain, père de bien des filles du Royaume.
Son
mari la pleura un moment. N’épousa pas la voisine nourrice. La bouscula
de temps à autres dans le foin, té, on est un homme, hein. Faut bien se
réconforter, pis les mains, sont faites pour être actives. Mais ne
l’épousa pas, les enfants allaient et venaient d’une maison à l’autre.
D’un côté, elle aussi c’était la fille du Roy… Elle ressemblait fort à
sa femme, il avait confondu... Souvent, après la chevauchée, un peu
piteux, juste un peu, le temps de se renfroquer, il songeait à celle
qu’il aimait par delà la mort, celle qui avait tenu sa promesse.
Oh,
bien sûr, elle aurait pu ne pas faire cette promesse, accoucher d’un
fils, rendre le Roy heureux, être épousée, devenir Reyne. Et puis, elle
aurait pu, aussi, faire remplacer le fils débile par l’un des siens,
faire venir vivre son mari auprès d’elle, comme homme de main. Faire
assassiner le cocu, ou attendre qu’il crève de lui-même, ce qui n’aurait
guère pris de temps.
Elle aurait pu.
Mais elle avait promis.
Foutue promesse.
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