30 août 2010

Motus et bouche cousue







Un match, encore un. Et encore une fois, se taire. Tous les quatre ans c'est la même rengaine. Il se lasse. Il fatigue de cette envie à la con de regarder d'autres mecs que lui, courir après un ballon. Il est jaloux. Ont-ils de plus belles fesses que les siennes ? Sont ils plus musclés, plus beaux ? Ou est ce parce qu'il se dégarnit ? Foutaises, Zidane avait moins de cheveux que lui et pourtant, il lui volait déjà la vedette.

Mais c'est vrai quoi à la fin ! Il en a marre de devoir se taire tandis que sa moitié, d'un œil lumineux, s'abreuve de la vision de ces hommes suants et débiles. Courir après un ballon, a-t-on idée ? Et puis ces… Vuvuzelas lui sortent par les oreilles ! Enfin, surtout, pénètrent ses esgourdes ! Et le son à fond, et vas-y que je te bois de la bière, que je te bouffe des chips. Pas un regard pour lui, rien ! Au moins a-t-il échappé à la horde d'amis en tous genres qui voulaient profiter de leur grand écran plat.

Dans la baie vitrée, il contemple le reflet de sa moitié. Pourquoi a-t-il fallu qu'il tombe sur quelqu'un qui avait les besoins primaires du mâle moyen ? En plus, ce soir, c'était les Experts, normalement ! Mais avec leur foutu match, ils ont annulé ! Rageur, il tranche les légumes un peu plus fort qu'il ne faudrait pour ne pas perturber la douce musique des trompettes africaines, s'attirant un Moins de bruit s'teuplait ! Pis, c'est un match important, tu te rends pas compte…

Oui, oui, il comprend, il se rend compte, il fait silence, comme à chaque fois. Il chope un bouquin de cuisine, tente de s'absorber dans la recette. Tête… Tête, ballon (encore !) de vinaigre, livre de beurre, persil, tête de veau. Un brouillard de mots. Un brouillard intangible qui se dresse en son esprit. Les trompettes résonnent à ses oreilles. Il ne veut rien qu'un peu de silence, il s'avance vers l'écran et attrape la télécommande. Sans même entendre les protestations de sa demi de couple - il est devant la télévision à un moment stratégique - il éteint.

Les Experts. Il voulait regarder les Experts ! Merde à la fin ! Il ouvre les yeux, un peu, puis plus grand, contemplant sa moitié qu'il pourrait désormais qualifier de quart, voire de huitième, une pomme dans la bouche. Il a un torchon sale à la main, poisseux, collant. Et rouge, si rouge ! Et le silence, ce silence qu'il savoure sans même se rendre compte encore que la tête de sa moitié, pomme dans la bouche, persil dans les oreilles, repose sur un plat. Au milieu de la table.

Son père disait toujours que les footeux, c'étaient des bœufs. De bœuf à veau, il n'y a qu'un pas.

Aucun commentaire: