27 septembre 2010

Arlequineries

Il peste. Pierre n'en peut plus, il n'arrive pas à y croire. Pourquoi ? Comment se fait-il qu'il ait pu ? Qu'il ait osé ? Qu'elle… qu'elle soit partie… Avec lui. Il pleure de rage, de désespoir aussi. Avec qui regardera-t-il la Lune, tandis que sa pâte reposera, le boulanger ? Avec qui partagera-t-il sa brioche du matin ?

Colombe, sa belle Colombe, blanchisseuse de son état, lui a préféré Arlequin, le teinturier. Rêves d'une vie colorée, loin de la pâleur de Pierre et de sa farine. De Pierre et son amour de la nuit. De la Lune, surtout. Pierre, petit Pierrot, ami de tous les enfants. Quels secrets la nuit t'a-t-elle racontés ? Quels secrets lui as-tu donc conté ?

Colombe, son oiseau fragile, sa Colombine, blanche parmi les pâles, amoureuse du soleil, pourtant, et de lui. Enfin, il le croyait. Jusqu'à cette nuit, où laissant la pâte au pétrin, il s'est dirigé vers sa demeure, voulant, comme souvent, aller conter fleurette à la Lune en sa compagnie. Ou aller lui conter fleurette avec la Lune comme témoin, qui sait ?

Un mot, sur la porte. Elle était partie. Avec les couleurs et le soleil, le soleil qui brûle les choses, le soleil qui dénude, le soleil qui fait passer les couleurs…

Colombine est revenue… Ses habits qu'elle avait colorés, aux couleurs passées, elle les a confiés à ses bacs, leur redonnant leur blancheur d'antan. Arlequin avait disparu, une nuit, sans rien dire. Sans un mot. Pas qu'elle s'était vraiment inquiétée, il y avait longtemps qu'elle ne l'aimait plus, pour peu qu'elle l'ait un jour aimé. Il la battait.

Les conversations avec la Lune lui manquaient, Pierrot aussi. Elle savait désormais, c'était lui. Ce matin, elle vient déguster la brioche avec lui. Et il la déguste, elle. Sur son plan de travail. Il est heureux. Le boulanger ne fera plus de pains trop salés, trop humides. Non, là, il façonne, la façonne. Il la rend femme, il la rend heureuse. Il l'aime, le lui prouve, avec application.

Il est calmé, Pierrot, puis il sait, l'autre ne reviendra pas. Quand il était colère, révolté, il est allé le trouver. Et, derrière son tas de bois, on pourrait trouver une tenue d'Arlequin, délavée. C'est pour la prochaine fournée. Le reste est déjà parti, petit à petit.

Pierrot, doux Pierrot, mon ami, quels secrets la Lune aurait-elle à nous conter ?

4 commentaires:

Castor tillon a dit…

Qui nous a amputé la Commedia dell'arte de son personnage le plus haut en couleurs ? Qui ?
Mais ça ne mange pas de pain : le dénouement est d'autant plus original.
Et le vilain ne battra plus sa mie : on lui a fait passer le goût du pain.

Castor tillon a dit…

"Les conversations avec la Lune lui manquaient, Pierrot, aussi."

La virgule après Pierrot est-elle indispensable ? Je comprends le sens insistant que tu donnes à ce fragment, mais ça déséquilibre le rythme, et on a tendance à poursuivre la lecture en pensant que la phrase est vaguement bancale. Ce qu'elle n'est pas.
Mais bon. Ce n'est qu'une impression personnelle, et peut-être que je pinaille.

Yunette a dit…

Sois tatillon, j'adore ça ! (dire ça à m'sieur Tillon... euh... non, ne tâte pas ! bref...)

Donc, pinaille, pinaille... J'use et abuse des virgules... Et, surtout, j'oublie de me relire correctement. Cela fait que ma ponctuation est parfois hasardeuse, et, comme tu le dis, bancale.

Là, la virgule est totalement de trop...

D'ailleurs je vais éditer le texte de suite ce qui va me permettre de te répondre, le plus franchement du monde.

"Une virgule ? Quelle virgule ?"

Merci !

Chrysopale a dit…

Ponctuation bancale ! Je retiens ça pour te retrouver au JPH !! Quoique, j'en ai pas besoin... le texte en retard, c'est qui? :mrgreen: