2 novembre 2010

À nu



L’on vous dit intime. L’êtes-vous ? Je veux bien le croire. Il est vrai que souvent, je couche mes envies en votre sein, vous les tatoue sur votre chair tendre, caressant en même temps votre épiderme. L’on vous dit intime. Vous savez tout de moi. Sans doute l’êtes-vous. J’ai glissé en vos entrailles mes terreurs les plus profondes, enfoui dans votre blancheur, mes désirs inassouvis. J’ai murmuré des choses à votre intention que nul n’a jamais entendues.

Et n’entendra jamais.

De Paris à New-York, jamais ne m’avez quittée. Jamais fait défaut. Votre peau se fatigue, je vous maltraite. Collé contre mon épiderme frémissant, tout contre, vous avez goûté de ma sueur. Et elle vous a changé. De chocolat, vous êtes passé par d’autres teintes, vous avez gagné des motifs, charmantes auréoles. Et au fil du temps, de mes gravures, votre intérieur s’est modifié. Il a gagné en encre. Et ces tatouages, intimes, ne sont réservés qu’à moi.

Ou à qui pourrait en être digne.

Il n’existe pas encore, celui-là. Pas dans ma vie, en tous cas. Alors je lui écris. À travers vous. Et je vous garde jalousement. Rien qu’à moi, vous êtes. Et je continue à vous triturer les entrailles pour y tracer mes maux. Ne me laisserez pas tomber, hein ? Je compte sur vous. Et je vous offrirai mon premier émoi ! S’il vient. Je vous le réserve. Je vous le promets. Restez avec moi, il reste tant de blancs à emplir.

Je vous prendrai sur l’envers.

Et vous emplirai en partant de l’autre bord. Celui qui pour l’instant épouse chaque immondice lorsque je vous pose. Cette partie de votre peau qui jamais ne se plaint. Sauce tomate mal essuyée, miettes et autres cendres. Je devrais être plus douce avec vous. Afin de vous conserver plus longtemps, tenter de vous offrir une longue vie, un peu d’hygiène, avoir quelque considération. Je le sais bien, allez, je le sais bien.

Mais je ne sais pas faire.

Je suis désolée. Tellement désolée. Je vous ai délaissé ! Je n’aurais pas dû. Je n’aurais pas dû ! J’ai cru, vous savez, j’ai cru trouver ce qui me manquait. Oh voilà que je vous trempe. Je vous prie de bien vouloir pardonner cet abandon de ma part, ce dernier mauvais traitement que je vous ai fait subir. Vous, vous qui avez toujours été présent, toujours. J’ai cru à de belles paroles, j’y ai cru, et comme je ne sais pas faire, j’ai fait ce qui me semblait le plus juste.

Je vous ai offert.

Vous. Je vous ai offert. Ecrire encore ces mots ne fait qu’accentuer ma honte. Je vous ai ouvert, vous, mon cœur, je vous ai ouvert parce que je ne sais pas faire. Et ainsi dénudé, je vous ai posé sous ses yeux. Il vous a lancé plus loin et m’a prise dans ses bras. Et je ne voulais pas. Je ne voulais plus. Je ne voyais que vous, ouvert, là bas. Si loin de moi, vous, éventré comme jamais, sans tendresse aucune. Vous que j’avais trahi et qu’on avait repoussé.

Vous. Mon journal.

Intime, l’on vous dit. Et je confirme, vous l’êtes. Je suis en vous bien plus que ces lignes que j’ai tracées, indélébiles. Ma sueur a imprégné votre couverture, mes larmes vos pages, mes mots, mes maux, mes pensées, moi-même. Je vous ai ouvert et l’on ne vous a pas regardé. Je vous ai offert et l’on vous a repoussé. Et je l’ai repoussé, lui, vous ai récupéré et suis rentrée, moitié nue, mais avec vous. 


Je ne vous ai pas perdue

Vous. Mon âme.

5 commentaires:

Castor tillon a dit…

Comme je ne suis pas très malin, il a fallu que je le lise une deuxième fois. Je me suis consolé en me disant que c'est le genre de texte qui nécessite deux lectures.

Très joli texte, bien construit et rythmé. Et comme toujours, le petit brin de poésie en filigrane. Je pense que la dernière phrase du dernier paragraphe aurait gagné à être mise à la ligne.

Castor tillon a dit…

Erratum :
je voulais dire à partir de l'avant-dernière phrase.
V'là que le castor y bafouille, à c't'heure.

Yunette a dit…

J'ai eu d'autres commentaires, ailleurs, et soit personne n'est malin, ce dont je doute quand même malgré mon immense supériorité, soit c'est normal qu'il faille 2 lectures (au moins) pour en saisir le sens.

Ainsi pour la phrase ? sinon dit à partir d'où ^^(parce que, comme tu l'as sans doute remarqué, j'ai une manie, ça doit être la seule dont je suis conscience dans l'écriture, je fais en sorte que mes paragraphes pèsent à peu près tous pareil... donc faudrait que je rajoute quelque chose si j'en décalais trop ^^)

Anonyme a dit…

Ben moi j'ai compris du premier coup, mais j'ai quand même relu pour le plaisir...

Bravo ma choupinette, heu je voulais dire yunette...

Anonyme a dit…

Ben c'est super bien écrit...