15 février 2010

Plutôt



Ce matin, en la regardant bien, il la trouvait plutôt belle. La veille, c’était magnifique qu’il la découvrait. Brin par brin, déficelant son paquet comme un délice qu’il savourait. Il voulait profiter de l’opération, prenant son temps, tel un moineau, picorant. Miette après miette. Doucement. Il était resté longtemps intimidé par elle, très. Très intimidé et très longtemps. Un jour, enfin, elle avait montré qu’elle éprouvait quelque sympathie à son égard. Un peu, beaucoup, passionnément. Il s’était jeté à corps perdu dans leur relation. Fou d’elle, fou.

Avant, elle ne le voyait pas, parlait avec lui comme avec n’importe quel interlocuteur. Un client, un collègue parmi tant d’autres. Une légère lueur d’intérêt dans le regard quand il lui avait présenté le dernier brevet validé. Invention intéressante. L’invention, pas lui. Et puis elle avait ouvert les yeux. L’avait regardé, avait ouvert une brèche. Lui, se sentant enfin en confiance, s’y était engouffré. Elle l’avait laissé faire, l’agrandissant même, y prenant plaisir. Elle savait qu’elle risquait d’y laisser des plumes, que la brèche serait sans doute synonyme de plaie, béante. Elle ferait comme à son habitude, s’envelopperait d’un manteau d’indifférence, et, aiguille à la main, se recoudrait. À vif.

Dans ce bureau qui était sien, son amant nouveau la déshabillait ce soir, lentement. Elle aimait ça. Cette prise de temps. Cette douceur exacerbant ses sens. Elle luttait, contre elle-même, croqueuse, pour ne pas prendre les choses en mains. Se jeter sur lui, bestiale, lui arracher les quelques couches de tissus qui les séparaient encore. Lascive, elle s’offrait, cadeau. Cadeau. Il avait fini par la dénuder entièrement. Et en avait profité. Ils en avaient profité.

Au point de s’être endormis, las. Sur le sofa. Nus, enlacés. La cloche de saint Martin l’avait réveillé. Pas elle. Le sourire de l’amour encore sur les lèvres. Décidément, il la trouvait plutôt belle. Le mystère et la distance, l’indifférence qui l’avaient tant attiré en elle… Tout ceci disparu, il la trouvait juste, plutôt, belle. Des formes pleines, un visage régulier, un corps tel que nombre de femmes l’auraient jalousé. Mais la magie n’était plus là. Il l’avait voulue, il en avait trempé ses draps, en avait sué d’envie, par tous les pores de son être, il l’avait disséquée, chacun de ses gestes, des sons émis de sa bouche, bouche qu’il adulait…

Et il avait découvert une femme. Belle, plutôt. Mais une femme. Rien que ça. Rien de plus. Sa déesse inapprochable, son désir inassouvi, ce n’était qu’un être de chair et de sang. Il avait pris son pied, cette nuit. Vraiment. Il la recouvrit du plaid qui avait chu à terre, enfila ses vêtements à lui, laissant là la robe de laine qu’il avait détricotée patiemment, la veille. Sur le bureau, il écrivit une lettre, formelle. Entre quelques phrases banales, la date et sa signature, une simple ligne.

Veuillez accepter ma démission.

Sa patronne intouchable, touchée, dormait d’un sommeil lourd. Une femme plutôt belle, dans un bureau plutôt classe, qui avait couché avec un employé plutôt banal. Elle dormait. Elle avait pris un pied plutôt inhabituel cette nuit, rêvait aux suivantes. Celles qui n’auraient pas lieu. Dehors, une silhouette aux épaules basses s’éloignait d’un pas pressé. Déçu.

2 commentaires:

Grigri a dit…

Mamzette ! T'écris de ces trucs toi ^^ C'est du vécu ou ça sort de ton imagination? :D

Anonyme a dit…

Certains fantasmes ne sont fait que pour rester dans l'imaginaire de peur d'être déçu au final ...

"IL" l'a très bien expliquer & compris ... à tort pour lui !!!

J'aime beaucoup ta façon direct d'écrire !!!

Marjolaine