8 décembre 2010

Maman

Un kimono de soie rouge, sur ma peau lisse. J’aime cette sensation, je l’aime beaucoup. Et je joue, je joue. Je suis toute nue en dessous. - Les culottes jolies étaient trop grandes. - Je me regarde dans le miroir, j’incline la tête, je me souris. C’est vrai que je suis jolie ! J’entortille une mèche de cheveux sur mon doigt mouillé… Elle fait souvent ça. Et puis j’entrouvre le vêtement qui laisse apparaitre une poitrine bien trop plate, mais c’est normal, j’ai sept ans.

Je m’en fiche, d’abord, parce que je sais que ça viendra. Chaque chose dans son temps, qu’elle dit, maman. Alors j’attends. J’ai plein de jolis habits, même que mes copines sont jalouses. J’ai tout ce que je veux ! Tout tout tout ! Ma tirelire est pleine, mais elle ne fait pas de bruit. Tous les matins, maman elle met un billet dedans. Des billets verts, je sais même pas combien ça fait, puis je n’ai pas le droit de l’ouvrir, le cochon.

J’ai tout ce qui me plait, maman achète des choses que je n’ai même pas le temps de lui demander. Elle est trop forte, maman. J’ai tout, sauf un papa à la maison. Mais c’est parce que mon papa il est explorateur du monde. C’est pour ça qu’il n’est jamais là. Je sais qu’un jour il viendra me chercher pour que je sois aventurière du fond des océans avec lui et qu’on trouvera des trésors que personne ne sait qu’ils sont dans le fond de l’eau.

Et on sera riches ! Et papa il n’aura plus besoin de faire l’explorateur et il reviendra vivre avec maman. Et ouais ! Et ça, ce sera grâce à moi ! Puis je lui rendrai son mouchoir aussi, celui avec le latin qui dit ce qu’il est. Ex Libris, c’est marqué dessus. - Explorateur Libre. - Je l’ai trouvé dans le fond du tiroir de maman, celui où qu’elle met les trucs qu’on ne touche pas parce que c’est vieux, ou pas beau, ou que c’est un souvenir qu’on aime beaucoup. Ça, elle l’aime. Je le sais.

 Le matin, après qu’elle a mis les sous, maman va se coucher. Elle part toujours quand je me suis endormie et revient quand je me lève. Tout pile. Elle est douée, maman. Le matin, faut pas trop lui parler parce que comme elle piétine tout plein, elle a mal aux pieds et ça lui fait mal dans le haut des jambes. Et puis son maquillage - parce qu’elle se maquille, maman, et bien !- ben son maquillage, il a tout coulé. Et elle va se coucher comme ça, toute habillée dans ses vêtements de la nuit.

Je sais qu’elle est courageuse, ma maman, c’est la plus forte du monde. Mais je n’ai même pas le droit de parler de ça, mamy l’a interdit. Pas le droit. Je dois dire que maman elle travaille dans un bar, alors que ce n’est pas vrai. Je sais, elle ne sent pas l’alcool du tout. Et puis, elle dit qu’elle a froid dehors, que les trottoirs sont dégueulasses et qu’ils pourraient ramasser les merdes de leurs clebs, non mais c’est vrai quoi à la fin.

Mamy, elle n’est pas très gentille avec maman, elle lui dit des trucs comme quoi qu’elle est la honte de la famille, qu’elle savait qu’elle tournerait mal, que c’était la faute à son mari, qu’elle n‘aurait pas dû la laisser aller chez ce débauché, que ses amis n’étaient pas discrets, qu’elle avait vu des choses, et peut être même qu’elle les avait aguichés, la connaissant ! Alors, moi je lui ai dit à mamy que je m’en fichais que maman travaille tard le soir, et que plus tard, je ferai comme maman !

5 commentaires:

Castor tillon a dit…

Mamy peut bien dire ce qu'elle veut, c'est pas elle qui ferait ça.
Voilà une jolie histoire de saine émulation et de tradition familiale qui ne se perdra pas.
C'est émouvant comme la gravité des petites filles qui doivent gérer leur vie.

Yunette a dit…

La mère, ce modèle... C'est souvent tout l'un ou tout l'autre, comme maman ou à l'inverse.
À croire qu'ici, Maman a fait l'inverse de Mamy mais que sa fille suivra sa voie.

Yunette a dit…

Hé hé hé ! Il a été publié sur un tit journal local qui se lance !

*mode trop fière je me la pète*

http://www.facebook.com/home.php#!/album.php?aid=23601&id=100001653552333&fbid=130470633684721

Castor tillon a dit…

Ben j'ai pas pu voir, j'ai pas de compte Fastbouc :( (et j'en veux pas, d'ailleurs.)
Tant pis pour le pauvre castor réac qui va retourner sous son barrage et se cacher pour pleurer.

Yunette a dit…

Je t'envoie ça par mail, tit Castor, tu pourras te moucher dedans !