14 juin 2008

Rire (première mouture)



Son rire cristallin résonne à mes oreilles. Pourtant je sais que je ne peux L’entendre encore, Elle n’est plus que le fruit de mon imagination. Au fin fond du labyrinthe, je ne La verrais plus. C’est le seul endroit que j’ai trouvé pour être sûr de ne plus La croiser. Elle m’a anéanti, et pourtant… pourtant… si je cherche la sortie « Par delà la cascade » a dit Le Vieux, c’est uniquement pour La retrouver.

Je ne sais ce que je souhaite, mais je sais ce qu’Elle fera, Elle me broiera le cœur, à nouveau, sans me regarder, sans même m’ignorer d’ailleurs, vu qu’Elle ne prend pas la peine de connaitre mon existence – il faut savoir que quelque chose existe si l’on veut l’ignorer. –

La dernière fois que je L’ai vue, j’arrivais, fier, je portais encore les cicatrices que m’avaient laissés les êtres que j’avais combattu pour Elle, pour La protéger, pour que Son peuple ne se fasse pas massacrer ! J’arrivais, donc, après une marche de plusieurs jours, chargé de présents pris chez nos ennemis, pour Elle !

Et… rien… pas un regard, ni pour moi, ni même pour mes cadeaux ! Mes hommes eurent droit à une grande cérémonie, mais moi, moi, j’étais oublié… au milieu de la salle du trône… On m’esquivait sans me voir… Jamais, au grand jamais, je n’ai ressenti tel sentiment ! La rage me serrait la gorge, impossible de prononcer quoi que ce soit, paralysé par ma haine et ma honte ! « Pourquoi, mais pourquoi m’évite-t-on ? Ai-je contracté une maladie qu’on m’aurait tue ? Ai-je accompli quelque acte innommable ? Une réponse ! Je vous en conjure ! Parlez-moi ! Ne me laissez pas dans l’ignorance ! Ne m’abandonnez pas à ma honte ! » Ainsi restais-je, prostré, sans pouvoir dire mot… Mortifié.

Alors Elle a ri… ri et ri encore… Ce rire… Je l’ai ressenti au plus profond de mon être… Elle ne voulait pas de moi, ma place n’était pas ici. J’ai laissé là mes trophées et je me suis dirigé vers la Porte Interdite, une arche en fait, qui n’a de porte que le nom ; chacun connait le destin de ceux qui la traversent : Nul n’en est jamais revenu… J’y suis entré, il fait sombre… le froid me glace, je ne vois pas même mes doigts au bout de mes bras tendus, mais j’entends ; j’entends la cascade au loin, bien que son rire me perce les tympans, alors je me dirige par là, pas la peine d’essayer de faire demi tour, je ne voyais plus l’arche après l’avoir passée. J’ai croisé Le Vieux, il donnait l’air d’être enraciné comme s’il avait toujours été là, une barbe longue et sinueuse, à l’image du labyrinthe…

Je me demande ce qu’on est censé redouter ici, il n’y a rien, aucun être vivant en vue, ni à l’oreille. Pas de trace. Je ne comprends pas, je ne comprends plus rien, il faut que je trouve la sortie – les chutes – il faut que je La retrouve, que je sache pourquoi Son rire m’a glacé le cœur.

Le cœur…

La flèche…

Tout me revient…

Je ne m’en suis jamais retourné en mon pays. Quand nous avons conquis la ville ennemie, il restait un archer embusqué, mes hommes l’ont neutralisé… mais trop tard… un rien trop tard… l’éclat de métal avait transpercé mon cœur.

Elle ne m’ignorait pas… Non, Elle ne riait pas…

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