20 décembre 2010

Une histoire de truffes

Sens ! Sens ! Il n’a que ce mot à la bouche. Comme si je pouvais encore sentir quelque chose ! Je sais que c’est dans mes gênes, que je devrais avoir un odorat surdéveloppé, que mon grand père savait trouver les truffes comme personne... Je sais qu’il s’est saigné aux quatre veines pour m’acquérir, que son budget ne s’en est pas encore remis et qu’il bouffe des patates depuis qu’il m’a parce qu’il me réserve la viande.

À l’image de ces gens qui roulent en grosses berlines et puent le parfum bon marché. Je le sais. Et ce n’est pas faute d’essayer ! Je l’ai reniflé son jus de truffe, et pas qu’un peu ! Même qu’une fois, sans qu’il me voie faire, j’y ai mis la langue, pour avoir le goût, me disant que ça serait plus facile comme ça. C’était dégueulasse. Non, sérieux. Il m’a acheté pour lui trouver de la merde qui n’en a même pas la saveur ! Rien ! Que dalle !

Ah, vous, on voit que vous ne connaissez pas nos bêtes. Que du naturel, elles mangent ! Enfin, de nos jours, ça ne veut plus dire grand-chose, naturel. Savez, les pesticides, les machins qu’ont faits que le maitre n’a plus de cheveux et qu’il crache tout noir. Non, il ne fume pas - ça nuirait à mon odorat - mauvaise langue ! Oui, je répète, mauvaise langue ! N’avez aucun goût de toutes façons, savez pas apprécier un étron à sa juste valeur.

Enfin, il voudrait que je sente, il ne fume pas, c’est bien. Sauf que je crois qu’il n’a pas regardé la gueule de l’air. Ni celle de la terre. Ses truffes, il peut se les coller où je pense, encore que si on avait eu un Tchernobyl, les champis, ils auraient gagné en couleurs, mais là, là… Evolution qu’ils appellent ça. Je ne peux même pas pisser sur les pieds des plantes ! Non ! Culture hors sol, monsieur ! Et un pied ça te fait un champ ! Hop, t’en fous un dans la machine, il se transforme en plein !

Il a essayé avec moi, mais ça n’a pas marché. Par contre, j’avais beaucoup plus de puces ! Elles sont toutes mortes. Sans me gratter. L’air qu’a fait ça, pas assez résistantes. Que mes premières qui sont restées. Sens, sens. Oui, maitre, j’ai compris, et oui, je sais, si je veux manger ton steak quotidien, il faut que je te trouve une merde sans goût. Ton or noir… Hé, patron, tu sais que l’or n’a plus de valeur ? Le crack qu’ils appellent ça, une vraie daube, il parait… Ouais, comme ton champi !

Trois jours qu’on tourne en rond, que je respire du rien dans une nature sans odeur. Pas de bruit autour de nous, plus d’oiseaux, plus de gibier. Les seules bêtes du coin sont celles que tu élèves dans ton bunker. J’ai faim. J’ai rien trouvé. Tu m’as bien fait comprendre que si je voulais manger, il fallait que je trouve. J’ai mal au ventre. Je la sens la douleur. Et toi, sens-tu mes crocs sur ta gorge ? Moi, je les sens. Je sens surtout un goût. Un goût qu’on n’oublie pas, un goût qui ne s’invente pas. Un goût, vrai. Le goût du sang.

3 commentaires:

Castor tillon a dit…

C'est très étrange, je parlais justement de truffes dans un com sur "conversation" L&C, sans avoir vu ton texte.

Le comportement erratique des machines à cloner doit sérieusement colorer en marron la vie des pauvres gens sur cette terre d'apocalypse en plein jeudi noir.
Ça clone les puces, mais c'est pas foutu de reproduire les truffes, y compris celles des chiens.

J'aime ces drôles de textes avec des chiens pleins d'humour.

Yunette a dit…

J'ai d'ailleurs cru que tu étais passé par ici avant de parler de truffes chez L&C !

Ce texte m'a fait très plaisir à écrire... Et je pense qu'il mériterait d'être retravaillé, développé, allongé...

Mais bon, parait que j'ai des pdv et une Opale à faire, avant.

Castor tillon a dit…

Voilà ! Exactement ce que je pensais : après le synopsis, la version intégrale. Les Prix De Vente, les Pleins De Vide, ou quoi que ce soit d'autre, attendront.
Tu ouvres deux pages Word l'une à côté de l'autre : Une histoire de truffes à gauche, et Opale à droite.

Qu'est-ce qu'on dit au Castor ?

Bon, trois pages Word, j'avais pas capté que c'était : Point De Vue. Le dernier opus nous manque cruellement.