20 juin 2011

Question de doigté

S – Je ne comprends pas pourquoi tu as fait ça. Tout se présentait si bien ! Être baignait dans la béatitude, mots doux aux Oreilles, sucs à Langue, vision à Yeux. Tout nous souriait, et sur moi, Gauche, se portait magnificence, anneau doré, pierre brillante… J’en tremble encore ! C’était… L’apothéose ! Tu es jalouse, dis-le ! Jalouse que ça soit à moi qu’on ait porté bijoux ! À mes branches qu’on pose l’or ! J’aurais dû m’en douter ! Tu as toujours, toujours…

D – Jalouse, moi, j’en ris ! Vois comme je tressaute, tu dis vraiment n’importe quoi ! Tu n’as jamais été capable de voir quoi que ce soit, de déduire, de faire… J’ai toujours écrit pour nous deux, lorsque Bouche se devait de rester close, c’était moi la porte parole ! Moi ! Toi, tu tenais la feuille… Incapable… Et c’est toi qu’on pare… Mais…

S – Tu vois que tu es jalouse ! Je le savais ! Je le sa-vais ! Ha ! La main dans le sac ! Dans le cul lulu ! Comment tu viens de te vendre !

D – Vendue ? Moi ? C’est toi qui fais la catin et défends le souteneur, magnifique, encore, dans ta déchéance… Il fallait bien te trouver une utilité, porter les bijoux, ça ne demande aucun art… Mais ça, je m’en fous. Ce que je n’aime pas, c’est qu’en face, tout n’est que mensonge. Je sais que tu les apprécies tous, moi aussi, au demeurant, mais je crois que Cerveau-mâle ment à son Corps entier.

S – Développe. Tu as gâché le plus beau moment de ma vie, je veux bien t’écouter, mais tes arguments ont intérêt de se tenir, tu as intérêt à être vraiment convaincante si tu ne veux pas que je te détache de Bras…

D – Tu n’en aurais pas la force, Cœur lâcherait, ou Cerveau tournerait œil en interne. Au mieux tu couperais Veine et laisserais Fluide s’échapper. Tu en mourrais aussi. Mais là n’est pas le sujet.

S – Cesse de me dévaloriser ainsi, ce n’est pas parce que je parais frivole, frémis au contact de Douce et Gracieuse, ces virtuoses de la caresse qui dansent si bien sur les touches noires et blanches que nous en frissonnons de concert… Tu n’as pas toujours été indifférente !

D – Non, je ne le suis toujours pas.

S – Alors pourquoi as-tu agi ainsi ?

D – Vas-tu donc me laisser parler ? Je tente de t’expliquer et toujours tu attaques, déplores et ne me laisse m’exprimer. Nous étions toutes à elles, subjuguées, et Corps également, entier. Douce et Gracieuse l’avaient sous sa coupe, Prunelles avaient fait plonger Yeux. Noyés. Nous étions heureuses, je ne le nierai pas. Mais hier, hier, souviens-toi. Douce et Soyeuse te maintenaient, tremblante, j’ai voulu aller cueillir Nuque, si tendre, prompte aux éruptions d’épiderme. Doigts voulant lui courir dessus… Et là, là, j’ai découvert une marque de Bouche. Mais pas de Bouche de Corps ! Non, d’une autre ! Yeux ont voulu se fermer, ils voulaient nier l’évidence… Rester aveugles. L’amour rend aveugle, le mariage rend la vue. La demande, ici, a suffi. Cœur s’est brisé. Et Cerveau m’a demandé vengeance. C’est alors que je l’ai giflé. Te laissant saisie, ornée, abandonnée.

Vérité encaissée, Sénestre se débat. Demande de l’aide, Dextre tente, sans succès, d’ôter le bijou.


S –Tranche !

D. s’exécute sans hésiter, tranche Annulaire. Depuis, S. se prénomme Sinistre, fière, arborant son absence de bijou. Plus de mariage possible, l’Être préférant rester aveugle. Amoureuse.

2 commentaires:

Castor tillon a dit…

Dextre et Senestre règlent les comptes ! Fais ce que doigt !

"Je le sa-vais ! Ha ! La main dans le sac ! Dans le cul lulu !" : curieusement, ce passage léger est bien intégré au texte, et a fait glousser bêtement le Castor pendant dix minutes. Je soupçonne Yunette d'avoir écrit ça pour me déstabiliser pendant ma lecture ^^

Yunette a dit…

Tu sais bien que Yunette n'écrit QUE dans ce but, mon cher Castor !
N'oublie pas que c'est une vilaine !